« Susan Lenox » est un film de Robert Z. Leonard, sorti en 1931. Ce qu’il y a d’assez fou, lorsque l’on regarde des vieux films, c’est de constater que même pour un film à budget et durée modeste, et qui n’est pas passé à la postérité, l’on peut avoir un duo dément en tête d’affiche. Ici, ce sont Clark Gable et surtout Greta Garbo, deux légendes du septième art, qui interprètent les rôles principaux.
Un beau jour, en plein blizzard, une femme de mauvaise vie donne la sienne lorsqu’elle accouche d’une petite fille. Le docteur, malgré les protestations de l’homme de la maison – le beau-frère – sauve l’enfant, qui est confiée aux bons soins de sa tante, et donc, de son oncle (le fameux beau-frère).
Les années passent, et l’enfant, Helga, devient une radieuse jeune fille. Helga n’est pas heureuse. Elevée sans amour, maltraitée par son oncle, elle écope de toutes les corvées de la maison. Un soir, l’oncle lui annonce son mariage prochain, avec un type peu recommandable de ses amis. Furieuse, la jeune fille refuse net, et lorsque son bienfaiteur imbibé tente d’abuser d’elle (sans doute pas pour la première fois), c’en est trop, et elle s’enfuit en pleine nuit hivernale.
Elle finit par trouver refuge chez un jeune et riche propriétaire terrien, qui vit de l’art (aussi incroyable que cela puisse sembler) ; en effet, ses tableaux se vendent fort bien. Malgré ses airs un peu gauches et son comportement de paysanne ignare, Helga charme très vite son nouvel ami. Malheureusement, les fantômes de son passé ne vont pas tarder à la rattraper.
Le film est assez court, mais très dense. Les péripéties sont nombreuses, et les scènes sont assez courtes. L’introduction, dont j’ai fait un résumé ici, est brève, présentant les deux personnages principaux, incarnés par Garbo et Gable. « Susan Lenox » est une romance en trois temps, où la partie intéressante consiste évidemment en toute la période de "reconquête", après la rupture et avant la réconciliation. Si ce scénario est classique, il présente toutefois une originalité ici : c’est Garbo qui tente de renouer avec Gable, et lui qui s’y refuse.
L’autre aspect intéressant du film, c’est le personnage de Greta Garbo. Rejetée par son amoureux après qu’il l’ait crue attachée à un autre homme, elle est cataloguée "femme de mauvaise vie", qui passe d’un homme à un autre, et méprisée. Loin de se jeter aux pieds de Gable et d’implorer son pardon, Helga fait face et refuse l’étiquette qui lui est accolée. Elle fera comme bon lui semble, soutient-elle, libre et indépendante. On est bien loin des personnages de petite fille docile de Janet Gaynor – Janet que j’adore, d’ailleurs, ne vous faites pas de fausse idée – chez Borzage ou Murnau, et c’est assez rafraichissant. Garbo incarne ici une femme forte, qui refuse de se laisser marcher sur les pieds, assume son amour pour Gable, mais refuse d’en être l’épouse sage et obéissante.
Elle rappelle, sous certains aspects, quelques personnages de Marlene Dietrich, notamment dans « Blonde Venus ».
Film modeste, à budget limité, « Susan Lenox » constitue un divertissement honnête, sans aucune flamboyance, avec des scènes parfois peu inspirées. On est aux débuts du parlant, et cela se ressent dans quelques dialogues très figés. Le film tire parfois un peu en longueur, et l’histoire reste banale – l’ennui n’est parfois pas loin. À recommander pour tous les (très sensés) admirateurs de Greta Garbo.