J'ai compris pourquoi, pendant une avant-première, les places réservées à l'équipe du film sont du côté des premiers rangs. C'est une très bonne stratégie pour qu'elle ne voit pas le nombre de gens qui quittent la salle durant la projection. Par exemple devant Savanna. Je pense qu'un tiers de la salle a quitté le film avant la fin en s'indignant que dans une compétition aussi sélective que Cannes, des films "comme ça" passent entre les mailles du filet. Certains soupçonnaient meme qu'il n'était dans la compétition que pour servir de bonne conscience au festival avec son thème social et engagé, deux adjectifs qui ne courent pas les rues de la ville.


Sûrement à cause du même esprit de contradiction qui m'a amenée à pousser cinq minutes la porte du ciné sur laquelle il y avait écrit tirer, je n'arrive pas à détester ce film, mais il est objectivement très raté. Le scénario part d'une histoire survenue dans un village au nord du Portugal, où l'annonce de l'ouverture d'une mine de lithium britannique avait poussé la population à s'organiser collectivement pour trouver des moyens de faire barrage au projet. Le film a été écrit en collaboration avec les habitants, et ils jouent leur propre rôle. Premier problème : tous jouent extrêmement mal, et on s'en rend compte sans connaître un mot de portugais et sans les voir de trop près, la caméra, toujours fixe, étant systématiquement mise à distance de l'action. Cette rigidité formelle fait qu'on a l'impression d'assister à une succession bizarre de scénettes qui s'enchaînent assez mollement et un peu anarchiquement, en hommage sûrement aux convictions des villageois :) Il y a quelques moments très bien joués, quand l'une des meneuses écrit une lettre à sa fille, ou quand l'autre déchire une affiche sur le mur. L'ambiance du village rappelle un peu les enfants de timpelbach ce qui est un très bon point.


Je reste assez bienveillante parce que j'adore les films sur les mines de lithium britanniques et que j'ai bien aimé la photographie en général, le dernier plan à cheval et celui devant l'église en particulier, et que l'esthétique du film était assez originale (les villageois décident de faire de leur village une ville du far west, et deviennent progressivement de plus en plus violents). C'est dommage de ne pas avoir poussé l'idée un peu plus loin en jouant plus avec les codes du western ou des films de mafieux, il y avait vraiment de quoi faire mais on sent que la fidélité au récit original a primé. Donc c'est assez ennuyeux sur la première moitié avant de déraper. La limite entre le film de fiction et le documentaire est d'autre part assez floue, le film se présentant clairement comme militant et choisissant de ne mettre aucune distance avec ses protagonistes, ce qui le rend un peu plat. Et la sorte de décalage créée par le mauvais jeu des acteurs rend le film assez drôle même si je ne sais pas si c'est volontaire (mention spéciale au moment où un homme dit "oh non :/ qu'est ce que vous faites :( au secours à l'aide svp :/ " à voix basse alors qu'il est en train de se faire kidnapper).

Bref, je ne pense pas qu'il sortira vraiment en France, donc cette critique sert surtout à prouver que je ne vois pas que des films américains qui font beaucoup d'entrées et que mon amour de cet art est donc sincère.

canutins
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le 29 mai 2024

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