Bien que le Blu-ray soit sorti en France en 2018, permettant une accessibilité plus large, j'ai l'impression que le premier film de Robert Zemeckis est ce qu'on appelle totalement oublié.
C'est également la première production de Steven Spielberg, et comme il n'a pas eu de succès à l'époque, malgré un budget minime, il a carrément été enterré, sorti sept ans plus tard en France sur la foi du succès de A la poursuite du diamant vert, il a connu un regain de popularité lors de sa sortie dvd zone 1 en 2004, soit 26 ans après son passage au cinéma. C'est pourtant un film en apparence foutraque, mais qui va totalement dans le courant de la filmographie de Zemeckis.
L'histoire, étalée sur deux journées, raconte comment six jeunes femmes vont vouloir rencontrer à tout prix les Beatles lors de leur première venue aux Etats-Unis, en 1964, quitte à rentrer de force dans leur hôtel et à y mettre le bazar. Il faut dire que, exceptée Nancy Allen et une rapide apparition de Dick Miller en policier, il n'y a aucun acteur connu. D'ailleurs, la première n'est pas une fan des Beatles, elle accompagne sa copine qui est elle en pâmoison devant le groupe, et surtout, tient à épouser Paul McCartney.
C'est un film que j'apprécie beaucoup, déjà parce que sa bande originale est constituée en grande partie de chansons des Beatles, d'où le titre original, mais j'y retrouve comme je le disais deux aspects qu'on voit dans plusieurs films ultérieurs de Zemeckis. Tout d'abord, le point de vue, car pas une seule fois on ne verra les chanteurs, qui sont cachés soit par un écran de télévision, une vue de leurs pieds ou alors de dos, et c'est porté essentiellement par le personnage de Nancy Allen que je trouve géniale dans le rôle, car elle aborde ce qui sera fréquent dans l’œuvre du réalisateur, à savoir le côté sexuel, mais qui passe comme une lettre à la poste, alors que c'est fortement suggéré. A un moment, la jeune femme se retrouve dans la chambre des Beatles, alors qu'ils sont partis à un enregistrement télé, et, prise par l'instant, elle se met à quatre pattes à observer, puis caresser de manière très évocatrice une guitare, dont le manche qu'elle va tenir d'une façon particulière, et l'émotion va être telle qu'elle va tomber dans les pommes !
Il y a toujours un côté sale gosse dans le cinéma de Zemeckis, on se rappelle de l'inceste dans Retour vers le futur, l'éjaculation précoce dans Forrest Gump et tant d'autres exemples, et je trouve que tout est déjà mis en place dans ce Crazy day, que je trouve en plus follement attachant. Sa meilleure amie, jouée par Theresa Saldana, est ce qu'on peut elle et son futur copain des geeks avant l'heure, dont leur première rencontre est une dispute à propos des Beatles, et il va finir par l'épater en lui montrant un bout de gazon qu'il a découpé où aurait marché Paul McCartney !
Malgré le budget de 3 millions de dollars, on sent qu'il y a des moyens, à juger les scènes de foules, mais Zemeckis a fait le choix de filmer en particulier des intérieurs, l'hôtel et le studio d'enregistrement, et la morale de l'histoire est qu'être fan ne rend pas forcément stupide, ce qu'apprendra le personnage de Nancy Allen, qui doit se marier avec un mec à la bonne situation, mais rigide au possible.
L'échec de ce film, ainsi que celui de 1941 dont Zemeckis et Gale avaient écrit le scénario, font que le réalisateur va être au purgatoire durant quelques années, jusqu'au triomphe de A la poursuite du diamant vert et de Retour vers le futur, le dernier étant produit par Steven Spielberg. Mais je recommande fortement ce premier film, où on sent déjà une maitrise, et rien pour entendre autant de musiques des Beatles, on en redemande ! Et être fan, c'est le bien...