Crazy Thunder Road par Ryo_Saeba
Sogo Ishii commence sa carrière cinématographique très jeune puisqu'à 19 ans il tourne un court métrage de 15 minutes racontant l'histoire d'un jeune lycéen qui tue son professeur avant de se faire traquer par la police à travers tout le lycée. Deux années plus tard, la Nikkatsu trouve le sujet intéressant et engage Sogo Ishii pour tourner le remake de son film sous forme d'un long métrage. Mais la Nikkatsu lui assigne un assistant réalisateur qui est beaucoup plus expérimenté et qui prend en charge la réalisation du métrage en sa quasi intégralité. Sogo Ishii très remonté et en colère décide d'utiliser cette frustration pour réaliser ses 2 films suivant de manière indépendante : Crazy Thunder Road et Burst City. Le film est donc le premier véritable long métrage de Sogo Ishii. A l'époque, Sogo est très énervé contre la société et complètement sous influence de la culture punk mais il a beaucoup de mal à réaliser des films construits au niveau narratif, Crazy Thunder Road ne fait pas exception.
Grand manifeste du film de Bozoku (gangs de motards) et de la culture punk, Crazy Thunder Road tout comme Burst City souffre donc d'une narration très explosée partant dans tous les sens mais toujours avec cette énergie et ce chaos qui sont présent dans les films du début de carrière de Sogo Ishii. D'ailleurs, même dans des films comme Angel Dust ou encore Electric Dragon, la narration n'a rien de traditionnelle à la différence qu'elle est cependant maîtrisée. On assiste donc à un film assez inégal dont le chemin n'est pas défini avec cependant une seconde partie de métrage plus punchi et un final grandiose.
On retrouve un peu tout et n'importe quoi avec cependant une constante durant tout le film et même durant toute la carrière de Ishii, de Panique au lycée jusqu'à Dead end run : une musique superbe indissociable du métrage qui apporte énormément à chacun de ses films. C'est cependant déjà un peu moins chaotique que Burst City et une histoire essaie de se mettre en place avec l'arrivée d'un extrémiste fasciste recrutant des motards un peu perdus pour rétablir l'ordre et l'autorité au Japon. Car Ishii, même si il dit n'avoir pas voulu faire un film de politique critique; indéniablement ces groupes étaient bel et bien présent au Japon à cette époque et si on se rappelle bien étaient également déjà présent dans son film précédent Panique au lycée avec un camion et des uniformes similaires.
A côté de cette trame, il y a également des personnages secondaires comme Ken le motard qui décide de raccrocher pour sa copine par exemple mais ils sont trop peu ou trop mal exploités pour qu'ils soient réellement intéressant. D'ailleurs, bizarrement, dans toutes les scènes où Ken et sa copine apparaissent, la musique change soudainement, proche de la balade et Ishii va jusqu'à les filmer sur un lit, les rayons du soleil traversant la fenêtre, pendant qu'ils jouent à un jeu de société semblable au petits cheveux. Un grand moment de mièvrerie intense et décalé par rapport au reste du métrage, peut être qu'un des amis du réalisateur a quitté un groupe à cause de sa copine et que Ishii s'est vengé en insérant ce personnage dans ce film. Les acteurs ont tous des " gueules " de tueurs et des looks très typés années 80 avec les gros blousons en cuirs et la banane sur la tête, ce qui n'est pas étonnant vu que si les acteurs principaux viennent du théâtre, tous les second rôles sont de vrais bikers et ça se voit.
Mais ce qui reste le plus intéressant est sans doute la 2e partie et surtout le final du métrage complètement no future où un enfant s'injecte son fix, deale armes et drogues et va même jusqu'à tuer, ce qui sauve le " héros " du film au passage, et ce 10 ans avant Robocop 2. Et puis il y a ce combat géant où le héros armé jusqu'aux dents massacre tout sur son passage à grand coup de bazooka fait maison, grenades et autre mitrailleuse énorme semblable à celle de Terminator 2. C'est donc dans un énorme chaos que se déroule cette bataille explosive annonciatrice de son film suivant Burst City. La fin est bien représentative de l'état d'esprit de Sogo Ishii à l'époque : le héros enfourche une moto cassée et lorsque l'enfant lui annonce qu'elle n'a pas de freins il répond : " là où je vais je n'en aurais pas besoin " avant de foncer à toute allure sur la route tête baissée. Pas étonnant donc de la part d'un Sogo Ishii qui a déclaré que pendant sa jeunesse, il vivait à fond en pensant mourir avant 30 ans, esprit bien représentatif de la culture punk et de l'attitude no future explique t'il.
Beaucoup disent que ce film a influencé toute une génération de réalisateur et ce n'est pas impossible quand on y pense, qu'un réalisateur comme Takashi Miike n'ait pas repris certaines idées comme le coup de l'enfant pour Fudoh ou encore le fameux coup du bazooka pour son Dead or alive.