La Roumanie a les dents longues

Avec Subspecies, Ted Nicolaou nous fait découvrir la Roumanie de ce début des années 1990, un monde de vieilles pierres, de bâtisses qui semblent plus vieilles que les hommes. Un environnement assez fascinant hérité de la riche histoire médiévale de cette région, habité par des populations qui ont gardé le lien avec ce passé, où les rituels et l’histoire restent dans la mémoire de tous. Dans la petite ville de Prejmer, les habitants restent reconnaissants au clan des vampires pour les avoir protégés des siècles auparavant. Cependant, la règle tacite est que chacun doit rester à sa place.

Ce précaire équilibre est mis à mal par le retour du fils ainé, Radu, vampire sanguinaire obsédé par la pierre de sang, artefact sacré contenant le sang de tous les Saints qui, comme tout bon rouge, doit être bu avec modération. De la modération, l’agité et sadique Radu en manque, clown grimaçant vampirique au long manteau gothique.

Ses agissements dans l’ombre et dans le secret du vieux château abandonné de la famille ne le resteront pas longtemps. Un groupe de jeunes filles, Mara, Michelle et Lilian, est venu étudier les traditions locales, permettant de développer l’ambiance passée de ce joli coin de la Roumanie, où la ferveur des coutumes semble avoir résisté face au communisme du pays. Ce trio de jeunes femmes est joyeux mais studieux, une certaine insouciance de la jeunesse bien évidemment convoitée par Radu. Les étudiantes Erasmus vont aussi faire la connaissance du frère cadet, Stefan, qui lui s’est intégré au monde des humains. Figure romantique, beau vampire tourmenté et sensible, il va s’attacher à elles et notamment à Michelle.

Au fur et à mesure du film, Stefan va tirer d’ailleurs toute la couverture à lui, joué par Michael Watson. Reconnaissons que pour un tel film d’exploitation les comédiens jouent assez bien, probablement bien encadrés par Ted Nicolaou, un habitué des séries B et des videoclubs mais qui ne voulait pas que son film vire dans le Z. Le trio de jeunes femmes est d’ailleurs bien développé, appuyé par trois bonnes actrices (Laura Mae Tate, Irina Movilla et Michelle McBride), et même quand elles passeront un peu plus à la catégorie des victimes que des héroïnes elles restent très présentes dans l’histoire. C’est tout de même rare dans ce genre de films d’avoir des personnages féminins assez bien écrits et qui ne reposent pas que sur leurs attributs.

L’érotisme du mythe vampirique est d’ailleurs à peine abordé par Ted Nicolaou qui lui préfère un amour impossible et tragique, distillé progressivement. Il ne faut pas s’attendre à un opéra tragique, bien évidemment, mais cette idée est intéressante, car pour le reste l’exagération de Radu use la bonne volonté du spectateur. Ces jeux de pouvoirs entre vampires, entre les deux frères ennemis et leur conception de la vie ou de leur condition, est là encore intéressante, sur fonds d’un passé pas si folklorique de la région, mais on sent le film ne pas oser s’appuyer dessus.

Car il doit aussi arriver à faire frissonner le spectateur, et c’est un peu raté, Radu est une menace frontale, qui ne se cache pas ou si peu. C’est le croquemitaine aux longues dents, assoiffé de sang et de revanche contre son frère. Un peu plus de mesure, et l’angoisse aurait pu se créer, plutôt que d’assister au triste spectacle de cette menace qui s’agite beaucoup.

Subspecies est produit par Full Moon Features, bien connu des amateurs de série B entre 1989 et 2013, fondée par Charles Band. Le niveau étant aléatoire, les films assez fauchés, le film de Ted Nicolaou, fidèle au poste, se révèle dans la moyenne haute de la filmographie de la société. C’est peut-être moins le cas des suites et autre spin-off et qui témoignent du petit succès de ce premier volet.

Le film est évidemment maladroit, plombé par son antagoniste caricatural, et quelques scènes qui témoignent d’un budget restreint, comme ces problèmes de raccords ou certaines incrustations des petites créatures de Radu. Mais il s’appuie sur deux éléments rares pour un tel film, et encore plus pour les films Full Moon, des personnages suffisamment développés, qui se révèlent même attachants, et les décors naturels et médiévaux de la Roumanie et avec eux toute une ambiance d’une région du monde reculée, au folklore différent et menaçant. C’est bien suffisant pour apprécier le visionnage.