La mythologie Rocky est respectée, mais sans prise de risque

Avant qu’il n’aille casser la baraque chez Marvel avec Black Panther, le réalisateur Ryan Coogler avait réussi un tour de force en 2016. Celui de remettre sur le devant de la scène une saga littéralement éteinte (en 2006 par le biais d’un sixième volet en guise de baroud d’honneur). Celui de prouver qu’un pur produit marketing – en l’occurrence un spin-off – pouvait s’avérer être une œuvre travaillée et subtile, allant même jusqu’à supplanter le film initial. Oui, bien avant de se coller au monde des super-héros, le cinéaste de Fruitvale Station nous livrait Creed, un dérivé de la saga Rocky qui surprit tout le monde de par sa maîtrise, son intelligence et son amour pour ses aînés. Une réussite véritablement inattendue qui montrait que la série phare de Sylvester Stallone n’était toujours pas prête de raccrocher les gants. Pour preuve, celle-ci continue encore en cette année 2019 avec une suite aux aventures sportives d’Adonis Creed. Et si Coogler n’est plus là pour chapeauter la saga, l’héritage de cette dernière reste entre de bonnes mains… à défaut d’innover et de surprendre.


Oui, cela sera le mot d’ordre de cette critique : Creed II est une suite qui ne s’est malheureusement pas foulée pour exister. Qui s’est un peu trop reposée sur les lauriers de son prédécesseur, ne cherchant jamais à sortir du lot. Juste à surfer sur ce qui faisait le succès de la saga. Il suffit de se pencher sur la structure scénaristique du film, qui se présente comme un mix entre les trames de Rocky III et IV. D’un côté, nous avons le héros embourgeoisé par le succès, qui après une lourde défaite, va devoir mettre son orgueil de côté pour retrouver l’œil du tigre et devenir meilleur. Et de l’autre cet entraînement excessif nécessaire pour affronter une véritable machine à tuer en guise d’adversaire. Sylvester Stallone, qui reprend ici les rênes du scénario après n’avoir été qu’acteur dans le film précédent, n’a pas été cherché bien loin pour écrire ce second opus, et c’est fort dommage. Oui, fort dommage d’avoir une histoire sans aucune surprise alors qu’elle fourmillait pourtant de bonnes idées. Comme celle de rappeler le personnage d’Ivan Drago (Rocky IV) sur le devant de la scène. Un retour des plus symboliques pour la saga, étant donné que sa présence perpétue cette idée d’héritage si propre au premier Creed. Et pour cause, alors qu’il devait assumer ce nom si célèbre qu’il reniait, le personnage principal doit désormais lui faire honneur en battant (de manière imagée) celui qui causa la mort de son père. Sans compter que ce mythique antagoniste de la saga, jusque-là vu comme un Terminator du ring, se retrouve ici humanisé au possible (le long-métrage s’attarde sur les conséquences de sa défaite face à Rocky), lui offrant une toute nouvelle ampleur. Ajoutez à cela des intrigues secondaires portées sur la paternité – entre Adonis sur le point de devenir père et Rocky devant délaisser son fils de substitution pour pouvoir retrouver sa véritable progéniture – et vous obtenez une histoire avec de grands airs shakespeariens. Avec un véritable intérêt scénaristique, nous offrant quelques passages drôles, touchants et même d’anthologie (comme les retrouvailles tendues entre Rocky et Drago). Mais encore une fois, dommage que cela sente le déjà-vu à plein nez et que les clichés prennent le pas sur ces bonnes idées, finalement remises au second plan (l’histoire de Drago est de son fils sont très vite expédiée de l’intrigue lors du dénouement, voire abandonnée).


Du côté de la mise en scène, c’est également un chouïa paresseux. Ryan Coogler étant désormais du côté de l’écurie Marvel pour laquelle il prépare Black Panther 2, il se retrouve ici remplacé par Steve Caple Jr. Un jeune cinéaste inconnu au bataillon qui ne possède pas le talent ni la personnalité de son prédécesseur. Attention à ces derniers propos : le bonhomme n’est pas mauvais, loin de là ! Avec Creed II, Caple Jr. montre qu’il sait diriger des acteurs. Qu’il sait manier une caméra pour proposer des séquences pour le moins intéressantes (comme Adonis criant sa rage sous l’eau) et renforcer le drame de son histoire principale. De plus, il sait très bien manier le côté iconique de ses personnages, notamment en ce qui concerne leur entrée en scène. Comme la première apparition de Rocky : un hors-champ ne misant que sur le reflet d’un miroir et la voix de l’acteur pour annoncer l’identité du protagoniste. Non, là où le réalisateur se loupe un peu, c’est avec les scènes de boxe. Il tente de reprendre avec fainéantise la mise en scène de Coogler (le combat filmé de près en Steadicam, les ralentis, la caméra suivant la chute du personnage au sol…), sans parvenir une seule seconde à la même efficacité. Que ce soit l’affrontement final ou bien l’entrainement intensif qui le précède, la mise en scène de Caple Jr. n’arrive pas à capter la puissance et la violence de ces moments. Réduisant fortement leur impact, alors qu’affronter le rejeton de Drago s’annonçait périlleux, pour ne pas dire mortel. Certes, c’est plutôt bien rythmé, mais pas suffisamment percutant pour rester dans les annales. Je dirais même que Creed II, sur le plan technique, propose l’un des combats de boxe les moins impressionnants de la saga (bien devant Rocky V, tout de même !).


Et c’est vraiment dommage de se dire que le long-métrage pèche par son manque de prise de risque, car il n’est vraiment pas mauvais. Outre les idées scénaristiques intéressantes et ces moments dramatiques touchant en plein cœur, il faut également saluer la prestation des comédiens, une fois de plus investis dans leur rôle. Que ce soit Michael B. Jordan, qui trouve en Creed son personnage de prédilection, ou encore la très juste Tessa Thompson, qui ne cesse d’illuminer à chacune de ses apparitions. Sans oublier l’inévitable Stallone, ce cher et attachant Rocky qui rempile dans la peau du boxeur quarante-deux ans après le film John G. Avildsen, sans nous lasser une seule seconde. La majorité de ses scènes sont nostalgiques, adorables, émouvantes et poignantes. Et le comédien sait comment les aborder pour notre plus grand plaisir. Et vu le scénario de Creed II, impossible de passer à côté de Dolph Lundgren. Celui qui a vu sa notoriété naître avec la saga avant de poursuivre dans l’exploitation de séries Z d’action retrouve ici rôle le plus marquant et lui apporte un soupçon d’humanité bienvenue, sans perdre son aura dévastateur. Dommage que Florian Munteanu, l’interprète de son fils Viktor, n’ait pas le même charisme. Bref, vous aurez également compris que la distribution est l’un des atouts majeurs du film, lui permettant d’être agréable à suivre.


Qu’on se le dise, Creed II n’arrive clairement pas à la cheville du film de Ryan Coogler, n’ayant voulu prendre aucun risque. Il reste cependant un bon divertissement de boxe sachant toucher la corde sensible et un volet de bonne facture de la saga Rocky. Un épisode bien sympathique qui a eu raison de se la jouer film d’auteur plutôt que nanar à l’ancienne pour ne décevoir personne. Que ce soit les fans de la saga ou bien les spectateurs néophytes.


Critique sur le site https://lecinedeseb.blogspot.com/2019/01/creed-ii.html

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