Bon et bien ça y est, ça existe. Il y avait là comme une évidence et l'occasion d'un frisson tout à fait bien venu. L’idée pouvait pourtant faire peur, le film ressuscitant l’une des icônes les plus caricaturées de l’aventure Rocky, celle dont on dit jadis que “ce que son poing rencontre est détruit”. Monsieur “Je vais te briser”, ce cher “Si il meurt, il meurt.”, celui qui avala “l’astre du désastre”, le grizzly de Sibérie comme ils l’appelaient sur le ring. Oui, voir Drago sortir de l’oubli avec un fils pouvait faire peur, ça sonnait comme de l’opportunisme éhonté, ça n’appelait pas à beaucoup de créativité. C’est pourtant tout ce que j’espérais après le premier Creed.
C'est une déception. C’est immédiatement l’impression de passer à côté du vrai film que l’on ressent au générique de fin. Ca s’appelle Creed 2, ça aurait du s’appeler Drago. Mon fantasme n’avait pas grand chose à voir avec ce résultat finalement bien trop conforme à ce que la raison me sommait d'envisager. J’aurais voulu voir les quelques minutes en Ukraine devenir la majeure partie du film, aller lorgner du côté de l’après Rocky 4 versant Drago. Y avait de quoi ouvrir une belle porte, de quoi construire une histoire passionnante, surtout quand on voit comme les années vont bien au vieux Lundgren. Il a la gueule taillée et l’œil revêche, et il a ce je n’sais quoi d’encore touchant qui semble avoir deux ou trois choses à raconter. Y avait plus à faire avec lui. Sur son évolution, sur sa relation avec son ours de fils, sur ce pourquoi il veut casser des gueules. L’autre face de Rocky 4 plutôt que ce léger déjà vu, cette structure rassurante, le gars dégringole, perd confiance, retrouve confiance, regringole, resucée de Eye of the tiger.
Mais ça marche. Sur moi ça marche. Certes, un très bas niveau d’objectivité, un enthousiasme déjà débordant aux premiers sons du film, une attente difficilement contenable avec le temps, j’ai vraiment aimé. Rien que la scène du resto avec ce face à face des anciens, j’étais emporté. Et puis le film est bon. C’est du pur Stallone, y a pas de doute là dessus : Des thématiques simples qui frappent fort, un ton très humain, gorgé de tendresse, des personnages tous un peu paumés avec les relations affectives les plus simples et des détonations d’artillerie lourde à chaque coup porté. Vraiment du pur Stallone. Le vieux Rocky a d’ailleurs encore des choses à dire, entre la vieillesse, la solitude, la paternité, il est toujours aussi touchant dans ses maladresses, et ses pensées pleines de simplicité. Cet air inadapté au monde qui fait son principal apparat depuis qu’il ne hante plus les rings lui va à merveille, la démarche balourde et le rire doucement gêné, le tout dans un acteur qu’on finira bien un jour par reconnaître à sa juste valeur. Donc force est d’avouer que l’ensemble fait très bien le travail, que le rythme est bon, que les acteurs semblent avoir parfaitement bossé leur rictus agressif et qu’il y a une bonne petite scène d'entraînement malgré une absence quasi totale de ce cher Bill Conti (Going the distance revient à la fin fort heureusement).
Des plombes que je l’attendais et des plombes que je n’avais plus eu envie de retourner au ciné une deuxième fois revoir un film. Je l’ai même préféré au premier Creed mais rien de très objectif là dedans, une sorte de nostalgie certainement un peu déplacée devant le grand suédois le tout pourtant mélangé à une vraie bonne impression devant cette grande honnêteté se dégageant de cet ensemble plein de bons sentiments et d’amour pour ses personnages. J’adore Stallone, y puis-je vraiment quelque-chose ?