La franchise consacrée à Adonis Creed n'était, en réalité, qu'un prolongement de la nostalgie existant autour du personnage de Rocky Balboa, exaltée depuis le chef d'oeuvre d'émotion retenue qui le ramenait sur le devant de la scène en 2006.
Cette nostalgie avait pris le pas sur tout le reste dans Creed II, au poing de susciter une certaine déception, les enfants n'ayant tout simplement pas le charisme de leurs parents.
Rocky, lui, était au soir de sa vie, lancé dans un combat qu'il savait ne pas pouvoir gagner.
Le fait que le vieux lion n'apparaisse pas dans Creed III est tout aussi logique que malheureux : car on se demande ce qui aurait pu être apporté au mythe, ou, tout simplement, s'il y avait encore quelque chose à dire.
Mais le fait de totalement liquider son héritage à l'écran sans autre forme de procès représente quand même le principal reproche que l'on pourra faire en 2023, un tel état de fait ne manifestant que la mise à l'écart de Sylvester Stallone de cette nouvelle entreprise, ne restant ici qu'un énième producteur qui sans doute, n'aura pas eu grande emprise sur le nouveau script.
Alors même que celui-ci, finalement, essaie en deux heures de projection de mettre bout à bout l'opus inaugural, Rocky III : L'Oeil du Tigre et Rocky Balboa. Soit une drôle de gageure dont il faut reconnaître, à la sortie de la projection, qu'elle ne manque pas de gueule et se montre réussie.
Car Adonis Creed, émancipé de son mentor, acquiert un peu plus de présence et d'épaisseur, ou, en tous cas, bien plus que dans les deux précédents épisodes réunis. Adonis n'est plus ce simple "fils de" rageur qui ne sait pas trop quoi faire de son nom, il s'est accompli par sa force de caractère et a accédé à l'apaisement. Mais cette fois-ci, c'est le côté sombre de sa jeunesse qui le mettra à l'épreuve. Un frère en forme de double rongé par l'aigreur et le ressentiment.
Un frère qui ressemble, dans sa rage et ses provocations, à Clubber Lang. Mais il représente aussi un char d'assaut vulnérable à même de susciter une certaine empathie grâce à l'interprétation parfaite de Jonathan Majors, qui réussit de manière éclatante à composer tout ce à quoi Adonis Creed a tourné le dos pour s'accomplir.
Michael B. Jordan, lui, fait montre d'une volonté d'inscrire sa première réalisation dans une certaine forme de distance par rapport au reste de la saga. L'identité est marquée, à l'évidence, tandis qu'il livre quelques jolies images signifiantes, comme par exemple ce mur séparant l'écran entre les deux frères, l'un s'effaçant dans un couloir, tandis que l'autre, sûr de sa force, incarne la confiance inébranlable.
Il aborde de la même manière le combat final de façon originale, sacrifiant quelques rounds de la rencontre au profit d'une approche au plus près de l'immersion dans laquelle se plongent les boxeurs, pour ensuite plonger dans une sorte d'onirisme qui pourra surprendre quelque peu.
Creed III ne manque donc pas le rendez-vous avec sa réussite, que même le traditionnel rap idiot (et français) en guise de générique final ne saurait assombrir. Une réussite qui montre enfin qu'Adonis en a assez dans le ventre pour animer seul sa propre franchise.
Behind_the_Mask, qui a envie de mettre quelques choses au poing.