Revu sur ARTE, cycle en ligne Carlos Saura.


Grand Prix du Jury, Cannes 1976



Pendant les dernières années du fascisme, à Madrid, Ana, une fillette de 9 ans, vit avec ses deux sœurs chez sa tante Paulina. Leurs parents sont morts. Ana grandit dans le tendre souvenir de sa mère et la haine de son père, dans un présent où le passé fait constamment irruption. Morte après une longue agonie à laquelle Ana assistait en cachette, sa mère continue d'accompagner ses insomnies, de lui parler, de lui jouer son air de piano préféré.



B-A: youtu.be/vIPnOKa2fGQ


Cette fois, non seulement la représentation de l'Espagne franquiste et du "désespoir" de la période transitoire sont relativement aisées* à saisir pour des étrangers (malgré des détails qui leur échapperont) mais le film est loin d'en être aussi dépendant que dans les travaux du réalisateurs présentés précédemment. Cria Cuervos peut en effet être tout autant apprécié comme le drame psychologique, centré sur une petite fille appréhendant la mort (ses parents) et des changements de vie (l'acclimatation à une tante bourgeoise plus stricte), qu'il est en surface.


Reposant entièrement sur le point de vue de sa jeune héroïne, ce film ne nous épargne pas des aspects négatifs de l'enfance qu'il est d'ordinaire si tentant d'omettre ou leurs différents niveaux de compréhension de la mort (et l'absence). Comme toujours quand elle est présente, cette honnêteté sur cette période de la vie réhausse le goût de l'oeuvre.



Je ne crois pas au paradis de l'enfance ni à l'innocence ou la bonté innées des enfants. Je me souviens de mon enfance comme d'une époque lente, interminable, triste.
― C.Saura



Se languissant de sa mère décédée, Ana la ressuscite par ses souvenirs se fondant parfois dans le présent, de plus en plus incompatibles avec sa nouvelle figure maternelle. On assiste à un joli travail d'entrelacement de la mémoire et des fantasmes au présent qu'ils envahissent, sans oublier le futur se permettant un regard distancié d'adulte sur le passé.


Le trio de jeunes interprètes m'a semblé très convaincant, mais j'ai pu lire le contraire un certain nombre de fois. J'ai été plus particulièrement impressionné par Ana Torrent (Tesis, L'esprit de la ruche), très juste et terriblement adorable. Geraldine Chaplin était aussi appréciable, remplissant à nouveau un double rôle dans un Saura.


Pour terminer, on citera deux atouts du Saura le plus à même de toucher un large public: les grands yeux noirs envoûtants de Torrent, qui ainsi armée pourrait être aussi éloquente sans une ligne de dialogue, et l'utilisation tout aussi hypnotique de Porque te vas au cours du film (un beau détournement d'une banale chanson d'amour "pop").


Score: 8/10
Plaisir: 5/5
Les allégories franquistes de Carlos Saura sont si plaisantes!

AyanamiRei
8
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Créée

le 28 juil. 2021

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Rei Ayanami

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