Archaïque mais pas logique
On dit que les goûts évoluent. Il y a un à deux ans, j'étais un fan absolu des gialli italiens qui, malgré quelques petites déceptions, me faisaient très plaisir. Maintenant je ne tombe plus que sur des très mauvais films. J'ai dû tomber sur le fond de la poubelle : Murderock, Body Puzzle, et ce crime au cimetière étrusque.
Ces trois "films" ont comme points communs de présenter toutes les tares potentielles des gialli (intrigues médiocres et farfelues, enquêtes policières mollassonnes, personnages clichés, ...) mais aucun de leurs attraits (photographie somptueuse, suspens efficace, meurtres et réalisation spectaculaires, érotisme raffiné, ...) C'est vraiment dommage.
Le plus inquiétant est encore que le responsable de ce nanar soit Sergio Martino, qui avait tourné au début des années 70 plusieurs des meilleurs gialli jamais faits. La réalisation est particulièrement désincarnée et sans la moindre passion, malgré un clin d'oeil à un de ses films précédents. Après tout Dario Argento a bien commis Le fantôme de l'opéra et (tiens alors!) Giallo.
Avant d'en revenir au film, il me faut apporter quelques précisions sur le contexte de l'époque (j'aime bien me la péter en racontant des anecdotes sur des séries B, je sais!). En 1980, Lucio Fulci tourne un film de zombies pour la Dania de Luciano Martino baptisé "Frayeurs". Par certains aspects Crime au cimetière étrusque ressemble à Frayeurs : on a droit à des visions de vers grouillants, une blonde qui a des visions horrifiques (on me signale que les scénaristes sont les mêmes, quelle coïncidence!), ... plus un thème musical issu de Frayeurs (le mixeur semble en être fier puisqu'il l'a inséré 6 fois dans le film!).
Mais je survends un peu ce film en affirmant qu'il s'agit d'un semi-remake de Frayeurs. Pour vous donner une idée : imaginez une bobine de pellicule de Frayeurs qui se fait sodomiser par un DVD de série de l'été de M6.
En effet Crime au cimetière étrusque est une sorte de petit feuilleton télévisé qui a été élagué pour en faire un film standard d'1h30 sur le marché de la vidéo en France (merci René Chateau et Jacques Leitienne de nous faire découvrir le patrimoine télévisuel italien en nous prenant pour des cons). Quand je dis que c'est un téléfilm il faut comprendre :
- De la nudité mais seulement sous des vêtements
- Des scènes de meurtre spectaculaires sous la forme de nuques brisés. Tu tournes la tête de manière à ce que le menton touche ton épaule, et les cochons de spectateurs vont se dire "Ah il est mort!"
- Une photographie digne d'un téléfilm américain.
Crime au cimetière étrusque, c'est aussi une intrigue bien foireuse qui mélange mystère archéologique, éléments fantastiques, tueur en série et trafic international de drogue. Mais ce sont surtout les agissements des personnages qui laissent pantois. Je pense en particulier à ce flic qui pour faire croire à l'assassin qu'il n'a plus à se méfier de lui fait croire qu'il a été sa victime. Donc si je suis un assassin et qu'on découvre un flic mort tué par mon modus operandi mais que je ne l'ai pas tué je devrai être tranquille!
Mais le personnage le plus ingrat est celui incarné par John Saxon. Je profite de cette critique pour adresser un cri du coeur à tous les autres fans de John Saxon : ne regardez surtout pas ce (télé)film! Il n'a que 5 minutes à l'écran en tout car il meurt assez rapidement, et surtout son personnage n'a aucune force de caractère.
Il fait une formidable découverte archéologique puis appelle sa femme. Il lui dit qu'il ne peut pas lui révéler ce qu'il a découvert au téléphone, alors celle-ci le menace de RACCROCHER! Oui cette folle psychopathe le met devant un dilemme cornélien : résister au bruit sourd d'un combiné reposé violemment ou révéler son secret. Elle aurait pu la jouer plus subtilement en lui hurlant dessus, en le menaçant de divorcer ou de mettre le feu à leur maison, mais elle a sorti l'arme ultime contre les hommes cachottiers, et ça marche! (Mesdames vous savez désormais comment vous faire respecter!)
Un autre problème est l'héroïne : outre qu'elle menace de raccrocher (je crois bien que cette scène m'a traumatisé!) elle est d'une fadeur exceptionnelle. La française Elvire Audray n'a ni charisme ni expressivité (ni scènes dénudées, ce qui n'aide vraiment pas) mais doit pourtant porter tout le film sur ses épaules frêles. Cette Catriona MacColl de Prisunic dessert chaque scène ou elle apparaît, c'est-à-dire à peu près toutes. Le reste du casting est anecdotique malgré la tentative de Sergio Martino de recycler des actrices un peu has-been comme Marilu Tolo ou Wandisa Guida qui disparaissent assez vite.
Sinon la musique de Fabio Frizzi serait réussie s'il ne s'agissait pas seulement de 3 thèmes (dont un initialement de Frayeurs) repassés en boucle toutes les 2 minutes.
Ce (télé)film est particulièrement décevant. Par ses nombreux côtés maladroits (le manque d'agencement des différentes parties du film, l'héroïne et les dialogues niaiseux) il peut faire rire. Mais c'est toujours décevant lorsque cela touche un bon réalisateur