La connaissance du roman de Dostoïevski est bien utile pour distinguer les idées de l'auteur (la misère humaine, la conscience, la culpabilité), que la réalisation de Pierre Chenal ne parvient que très partiellement à signifier. Précisément, la mise en scène est sans inspiration. Ce n'est pas elle qui formule, par la technique ou par le style, le sens de l'oeuvre, notamment les tourments de l'étudiant Raskolnikov après qu'il a assassiné la vieille usurière Aliona.
Chenal s'en remet essentiellement à la composition hallucinée et expressionniste de Pierre Blanchar. Chargé d'exposer et d'expliciter les états d'âme de Raskolnikov face à sa conscience, face à l'inquisition doucereuse du juge Porphyre (Harry Baur), l'acteur fait un numéro étonnant et excessif, tout en grimaces et regards exorbités...dont parfois on ne devine même pas la signification! De fait, le jeu d'Harry Baur, dans les scènes que les deux acteurs ont en commun, apparait serein et léger. Ces scènes, auxquelles s'ajoutent celle du crime initial, sont les séquences éminentes du film. Les autres, avec la prostituée Sonia, avec la famille de Raskolnikov et son peut-être futur beau-frère honni, ne sont guère significatives du roman en raison, comme je l'ai dit, de l'incapacité de Chenal de nous en indiquer le sens, les motifs. Dès lors, les déambulations de Raskolnikov, des uns aux autres, finissent par ennuyer.