Peter Webber livre un petit film consacré à une époque oubliée, sinon par le glaçant Tombeau des Lucioles. Nous sommes en 1945, le Japon a capitulé, quel sort réserver à l’Empereur nippon ? La très républicaine Amérique n’envisage pas de conserver un monarque, mais doit-elle pour autant l’inculper de crimes de guerre ?
Que dire sur Peter Webber ? Rien, sinon qu’il nous a donné, jadis, La Jeune Fille à la perle, avec la jeune et troublante Scarlet Johansson. Ici, il présente un Japon dévasté convainquant. Il est difficile de lui reprocher un manque de figurants imputable à la faiblesse du budget ; qui lui interdit de nous donner la pleine mesure de la phénoménale puissance occupante ; pas plus que la médiocrité du doublage français. Le scénario se concentre sur la personnalité de deux militaires.
Tommy Lee Jones incarne brillamment le controversé, grandiose, insupportable, génial, mesquin et déroutant Douglas Mac Arthur. Si les États-Unis se sont donnés de nombreux présidents issus de l’armée, ces derniers s’empressèrent de couper les ponts avec leur institution d’origine. Un soldat américain obéit au politique et est tenu à un strict devoir de réserve. En véritable César, Mac Arthur s’en affranchit allègrement et parvient à imposer durablement son autorité personnelle sur le Japon et la Corée.
Le général Bonner Fellers est joué par le (trop) beau gosse Matthew Fox, qu’un scénariste peu inspiré doté d’un amour perdu nippon, une romance inutile, même si Eriko Hatsune est fort belle. Préoccupé par sa propre image, Mac Arthur donne à Fellers dix jours et carte blanche pour juger Hijohito. Le scrupuleux soldat instruit le procès, exigeant la coopération des officiels japonais, jusqu’au coup de théâtre final. Non sans malice, un témoin rétorque que les Occidentaux reprochent au Japonais, longtemps cloitrés sur leurs iles, leur tardive volonté de bâtir un empire, par les armes, au détriment des impérialistes américains, anglais, hollandais ou français… Est-il légitime de leur interdire de marcher sur leurs traces ? Oui, manifestement. Vae victis.
Webber nous initie aux arcanes du pouvoir japonais. Sous une façade occidentale, les mentalités sont restées féodales et soumises à un code de l’honneur guerrier. L’empereur est un Dieu, certes, mais muet et inaccessible. Fellers n’éclaircira pas son rôle dans la déclaration de guerre, mais découvrira qu’il a imposé, au péril de sa vie, la capitulation.
PS. En s’appuyant sur Hirohito, Mac Arthur transformera le Japon. Par une réforme agraire, l’instauration de syndicats, le démantèlement des zaibatsus et l’exécution d’un millier de criminels de guerre, il l’ouvrira à la démocratie. L’un des rarissimes exemples, à ce jour, d’une occupation militaire américaine réussie. Pourtant, ce n’est pas faute d’avoir essayer…