Miam ! La belle tête de veau salade niçoise !

Ce film est une bonne surprise.

Si vous le souhaitez, vous pouvez consulter ma critique de l'opus 1 où je livre les réserves que j'ai sur le scénario et son traitement. On pouvait donc s'attendre à la même chose en pire.

Et bien pas du tout.

D'abord les USA sont loin, l'action à lieu à Nice, chez nous, en France ! Et là c'est la claque ! Ce n'est pas pour une belle et unique scène d'action dans un site remarquable, comme dans un James Bond ou dans Mission Impossible. Mais tout le film ou presque. Et on prend le temps de profiter de la vraie vie (2h10). Comme dit Donnie : "On m'a beaucoup vendu la région..." Les auteurs ont bien l'intention d'en profiter avec nous. Mais pas dans la convenu. Ce n'est pas pour du cliché que c'en est gênant, comme pour la Sicile dans Equalizer 3. Quoiqu'il soit question de braquer des diams on ne voit pas les riches. On est pas à Cannes: pas de grands hôtels, de yachts ou de casinos. C'est dans la rue et les pieds dans le caniveau. Des ruelles, des terrasses, des cafés populaires, des glaciers, des petits apparts, des boîtes de nuit. Des couleurs, dans les boissons, dans la bouffe et sur les murs. La beauté de l'arrière pays.

Je ne dis pas que Nice est effectivement comme cela mais on est loin de ce que l'on voit parfois : des scènes soit disant françaises, en fait tournées en Allemagne, avec une voiture marquée « Police ». Immersion totale. Ce n'est pas Nice qui est exotique, c'est Big Nick "le cowboy Marlboro" qui est Martien et on lui en fait la remarque !

Une population vraie, variée, métissée et polyglotte, portant la croix sur la poitrine ou priant vers l'Est, sans trop de clichés. Sauf, avec une inévitable facilité, pour les mafieux Sardes ou Serbes. Cliché aussi cette idée d'implanter à Nice un « Centre Mondial du Diamant », dont je n'ai pas trouvé trace dans le monde réel, largement tenu par des diamantaires israélites cousins de ceux, bien réels, d'Anvers. En fait, à la fin de l'opus 1 Donnie visait des diams à Londres mais les auteurs ont changé de point de chute.

D'ailleurs ce parti pris populaire nuit presque à la crédibilité. Vraiment ? Dans une petite rue, le grand Centre Mondial du Diamant "le plus sécurisé d'Europe", avec seulement 4 gardes, un veilleur, un concierge et un chambre forte (l'éternelle chambre forte de tous les braquages) ? Ils n'ont pas trouvé une maison de ville avec cour ?

A ce jeu du naturalisme, assez sidérant dans une production US, le casting était essentiel. Beaucoup de têtes peu connues et non américaines et un rôle renforcé pour les femmes. Fini les strip-teaseuses blondes et les épouses trompées de l'opus 1. Toujours hétéro (personne n'est parfait), j'ai particulièrement apprécié la présence des actrices incarnant avec naturel deux âges de la féminité méditerranéenne. Contrairement à ce que dit Big Nick – et c'est bien une réflexion de gros lourd - Evin Ahmad, qui incarne Jovanna la cheffe de bande, n'est pas un top model. Mais elle est magnétique. Et Nazmiye Oral (heu, oui , c'est son patronyme) qui incarne Chava, son aînée diamantaire, l'est aussi. Globalement tout le monde joue merveilleusement vrai. (Ah ! Le petit sourire de complicité amicale qu'adresse Chava au concierge en entrant dans l’ascenseur, il n'est aucunement justifié par le scénario mais donne de l'épaisseur au relationnel). Sauf nos deux américains mais, dans cet environnement, avec des acteurs européens et méditerranéens devant lui, Gerard Butler se sent presque obligé d'être un peu inventif et d'arrêter de jouer à Gerard Butler. O'Shea Jackson, c'est plus compliqué. il est enfermé dans le rôle flegmatique de Donnie. C'est Droopy. Mais bon, on l'aime bien.

Il est clair que, pour cette fois, la réalisation s'est investie dans une direction d'acteur modulée, fini les mâchoires serrées de l'opus 1. Ainsi, lors de la découverte du braquage, contre toute attente, le concierge reste assez réservé. C'est un gardien qui se prend la tête à deux main. Donc, le gardien exprime l'émotion refoulée du concierge. C'est plus malin que de faire surjouer le concierge. Les grandes douleurs sont silencieuses.

Après nous avoir emmené en vacances avec toute la bande pendant une heure, maintenant qu'on s'est bien adaptés au mode de vie, on a un braquage très soft puis le retour de la militaria... Quand même. Avec pour corollaire l'absence de crédibilité : comment font les Sardes pour être présents exactement à l'endroit du crash automobile lors de la poursuite ? J'imagine une réponse: les hélicos qui interviendront plus tard, mais quand même...

On voit que nos auteurs n'ont pas fait le deuil des petits travers qui m'avaient irrité dans l'opus 1, préparation partielle, surprise systématique. Mais perdus dans la salade niçoise, ça passe.

Et si on faisait l'analyse idéologique de tout cela ? C'est amusant cette idée américaine que séjourner dans notre Sud ce serait un grand moment de détente et d'apéritifs « maison », avec de la fumette qui change agréablement des opiacés fatals. L'authenticité quoi ! Une révélation pour Big Nick, l'Américain. Il se fait complètement émouvoir par le pays et les voyous auxquels il s'acoquine. A la fin, il les livre à la Police française - qui ne semble pas bien méchante - et se fait honte. Accessoirement, ce con-là se grille encore une fois auprès d'une femme géniale après s'être fait largué par sa légitime et s'être fait jeté par sa strip-teaseuse. C'est assez extraordinaire d'entendre Donnie - qui est son antagoniste mais en fait son seul copain - lui dire "T'es vraiment qu'une grosse merde" et il ne trouve rien à répondre. Ce n'est plus le Big Nick borné de l'opus 1. On est très loin de l'impérialisme américain d'actualité (vous voyez de qui je parle ?) même incarné par un héro au côté sombre. C'est d'autant plus satisfaisant de savoir que ce film est, si je ne me trompe, un succès. Mais peut-être est-ce juste pour le farniente ?

Cependant les chemins de l'enfer sont pavés de bonnes intentions. J'avais zappé un détail ; c'est comme quand quelqu'un pète à table, on ignore. Dans la boite de nuit, Big Nick, désinhibé par l'alcool et la fumette, s'exclame « L'Europe c'est cool ! » puis il se tourne vers Slavko qui est, si j'ai bien compris, Yougoslave en lui disant « Je suis vraiment désolé que l'on vous ait bombardé dans les années 90 ». Slavko confirme « Ils ont tué ma mère ». Ils jurent alors « J'emmerde l'OTAN ! ». Ce qui pour Big Nick vaut transgression. L'idée était probablement de mettre l'Europe dans le Sud Global et de l'opposer à l'impérialisme américain et à l'OTAN. Je ne dis pas que bombarder c'est bien mais, pour des tas de raisons très sérieuses (l'Europe fait partie de l'OTAN, elle condamne les déplacements de population, la récente position de Trump à l'encontre de l'OTAN) cette idée de scénariste risque d'être mal reçue.

Dans l'attente de l'opus 3 avec, je l'espère, le retour de Jovanna la Panthère.


Le-Male-Voyant
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il y a 7 jours

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Le Mâle Voyant

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