En préambule : cette critique a été écrite à l'occasion de la rédaction de celle de l'opus 2 Pantera. Elles sont complémentaires. Ensuite, comme on m'en a fait fort justement la remarque, il s'agit plus de réflexions à l'intention de ceux qui ont déjà vu le film, que d'une critique au profit de ceux qui se pose la question de le voir.
C'est une histoire de gendarme et de voleurs. A cause du "twist" final, elle a deux niveaux de lecture. Cela m'a mené à revisionner et j'ai constaté que c'est bien construit, bien réalisé et bien joué. Malheureusement cela ne m'avait pas sauté aux yeux la première fois pour plusieurs raisons
La première est un abus de clichés qui m'ont parus fastidieux. Américanisme urbain. Milieu viril où les femmes sont satellisées. Bonne tête pour Merrimen – le chef du gang - mise en valeur par les têtes brûlées des autres. Corps bodybuildés et tatoués. Parallélisme entre les flics Bad Boys et les anciens militaires devenus gangsters. Gros coup et suspens. Le gadget de l'impulsion électromagnétique, matérialisé par un dispositif invraisemblable, qui est utilisé pour brouiller les caméras et qui fut déjà utilisé pour faire tomber le système électrique dans Ocean's 11. Gunfights urbains lourds et improbables, tant ils relèvent de la scène de guerre.
Les auteurs compensent en ajoutant quelques ingrédients sensés rendre le récit original. Proximité physique, y compris par l’intermédiaire du corps féminin, entre policiers et voleurs. Recours répété au défi et au bluff. Ils tentent de donner de la profondeur à Big Nick grâce à ses déboires conjugaux, lesquels, malgré la qualité de l'interprétation de ses interlocutrices, sont bien clichés et ne sont pas sauvés par une utilité scénaristique.
Quant au jeu de Gerard Butler... En fait, il ne joue pas Big Nick. C'est Big Nick qui joue à Gerard Butler. On peu d'ailleurs aimer cela. Comme disait Humphrey Bogart : "Les films de H.B., c'est quand même moi qui les joue le mieux". Paraphrasons pour Gerard. Cependant, quand il pleure, je n'y crois pas : il a raison de se cacher le visage.
Une seconde raison est une absence de crédibilité. Quelques exemples.
Pourquoi les policiers laissent-ils le gang braquer la banque Pico Rivera ? Pour avoir des éléments de preuve pour le procureur. Ok, mais lorsque l'on voit des mecs se pointer en tenue d'assaut il y a de quoi intervenir, c'est une prise de risque majeure pour les clients de la banque, non ? Ils se contentent d'apprécier.
Est-il vraiment possible de percer un trou jusqu'aux égouts en faisant exploser une charge déposée sur le sol de la salle des coffres et sans que le blast tue tout le monde ? Bof.
Notre gang quitte les égouts, se change en convoyeurs, récupère le fourgon et se rend à la réserve fédérale pendant le temps où Big Nick explore l’égout. Ils sont super rapides ! Il est vrai qu'ils seront "un peu en retard". Par contre les policiers qui blindent comme des malades depuis le début arriveront après la longue scène de vol. Problème de timeline.
Comment les policiers comprennent-ils que le véritable hold-up a lieu à la réserve fédérale alors que les voleurs auraient pu simplement s'enfuir ? A cause du fourgon volé et de la livraison de bouffe chinoise par Donnie probablement. Mais il manque une scène où ils auraient cette intuition, laquelle aurait justifié qu'ils arrivent à la fin du hold-up.
Pourquoi d'anciens militaires réputés épargner les civils lors de la première scène déclenchent-ils une scène de guerre dans un embouteillage ? Pourquoi les policiers se prêtent-ils au jeu en mettant en danger les citoyens ? Pourquoi sont-ils indifférents aux pertes humaines parmi leurs collègues ? Comment les passagers des voitures s'évaporent-ils, si bien qu'un plan nous montre toutes les voitures vides ? Avec cette scène les auteurs se tirent une balle dans le pied : ils font disparaître pour une raison stupide Merrimen, le seul personnage sympa du film.
Tout cela fait que j'ai fini de regarder ce film, qui a pourtant des qualités, avec la même ironie désabusée qu'arbore Big Nick : "C'est pas possible ! "
La troisième raison, la plus intéressante, est que les auteurs ne souhaitent pas toujours que l'on sache. Même si c'est rétrospectivement évident, j'avoue piteusement que j'ai eu quelque difficultés à percuter que la blonde qui attend Merrimen à sa sortie de prison, puis une des deux blondes que l'on voit dans le restaurant (sans qu'elle soit à côté de Merrimen), enfin la strip-teaseuse que Big Nick lève, sont la même personne. Si bien que la rencontre de Big Nick et de Merrimen dans l’antichambre est inattendue. Par exemple, voir Merrimen aller la chercher à son taf, m'aurait aidé à l'anticiper. Mais les auteurs préfèrent m'en faire la surprise.
Mais alors qui est la "bad bitch SO hot" à laquelle Big Nick envoit e le SMS qui lui vaut le divorce ? Chronologiquement ce n'est pas la strip-teaseuse : il ne connaît pas encore Merrimen dont elle est la maîtresse. Nous apprenons d'un seul bloc que Big Nick est marié et a deux enfants, que sa femme le croit infidèle et qu'elle le quitte. C'est un peu beaucoup. C'est une question : l'infidélité de Big Nick méritait-elle d'être préparée et confirmée ? Certes nous avons vu les policiers menacer Donnie en étant entourés d'escort girls mais on saisit cela comme une comédie pour passer pour un gang. Le voir dans dans liens plus personnels avec une escort girl nous aurait éclairé. Son peu d'énergie à dénier vaut-il confirmation ?
Ce sera le même problème, plus tard, avec la substitution de camion, qui explique la substitution de l'argent volé par de l'argent broyé. Elle devrait retenir notre attention en tant que révélation de la présence d'une seconde équipe mais elle m'a semblé incompréhensible. Pourtant elle est préparée. Non seulement on voit Donnie – qui est le chef de cette seconde équipe – relever, au début, l'heure du passage du camion, mais de plus, il sert les deux camionneurs au bar. J'avoue ne pas les avoir identifiés car on les a placés à dessein dans l'obscurité . Les auteurs préfèrent m'en faire la surprise lors du twist final, grâce à un flash-back. Ils rajoutent une deuxième couche à Londres en nous présentant l'ensemble des comparses de Donnie.
Mais c'est trop tard. Délibérément ces préparations ne sont pas explicites. En conséquence elles n'en sont que pour le scénariste et pas pour le spectateur. Lors du twist final, je me dis: "Ah, c'était ça !". Malheureusement la dramaturgie n'est pas rétrospective. Je suis donc un peu frustré de découvrir qu'il s'est passé des choses derrière mon dos. Et tout le monde ne va pas, comme moi, regarder le film deux fois pour apprécier le vrai scénario.
Mais il y a l'opus 2 -excellent à mon goût - et là, c'est une autre histoire !