Irritation game
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le 17 août 2024
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La découpe des pièces de viandes. C'est une explication que j'ai trouvée pour ces lignes pointillées qui s'animent sur fond noir lors du générique début. Mauvaise blague ! Une frontière ? Entre les 2 personnalités du Boucher, peut-être. Mais voilà, on ne le sait pas encore qu'il en a deux, ce papa. Animation accompagnée par une musique plutôt cool. On ne peut pas dire que ce mélange audiovisuel crée du sens, de l'émotion, du mystère ou de la déstabilisation. Juste une impression d'artefact.
Sur ce, c'est un film piège car le début crée, pour tout papa ayant ou ayant eu une fifille, ou pour toute personne se projetant dans ce statut, un forte identification. Pour se rendre compte ensuite que l'on s'est identifié à un monstre. Bon, la bande annonce nous avait prévenus. Donc on l'a un peu cherché.
On prend alors quelques distances. Puis, on peut, pendant quelques temps, s'identifier à quelqu'un qui veut s'échapper d'un piège, ce qui est un sentiment qui se comprend. Mais qui s'use. Alors, intelligemment, le film passe "backstage" puis en ville et nous propose une nouvelle protagoniste beaucoup plus fréquentable, tout l'intérêt résidant dorénavant dans un jeu de masques et du chat et de la souris.
Ce moment de passage "backstage" me semble remarquable. D’abord parce que, symboliquement, il met en parallèle d'un côté le spectacle et son envers, de l'autre la double vie du Boucher. Par ailleurs il est très bien réalisé avec des images ou se composent nos protagoniste et la scénographie vidéo du concert.
D'autres Sensés ont noté les nombreuses invraisemblances de situation ou de comportement. Effectivement, j'ai eu l'impression de voir un thriller à l'ancienne où la crédibilité s'efface devant le souhait de créer des situations qui donnent le frisson, voire un film qui nous emmène dans un rêve ou un cauchemar : lorsque des personnages s'adressent au protagoniste nous avons droit à un "regard caméra". Mais voilà, rien ne vient clairement assumer ce parti citationnel ou onirique.
Citationnel... Hitchcock n'est pas loin. La paradigme reste "Psychose". Un exégète avait remarqué l'épilogue pendant lequel un spécialiste expliquait la personnalité de Norman Bates. Il avançait que le public de l'époque n'était pas prêt à comprendre, non pas tant la dimension psychiatrique et criminelle, mais la dimension psychanalytique ( inconscient, dédoublement de personnalité, relation à la mère ). Et bien, il semble que ce ne soit toujours pas acquis. Les auteurs trouvent utile de nous expliquer la personnalité du Boucher. Mais ils ont l'intelligence, non pas de tout balancer d'un coup, mais de nous livrer des éléments tout au long du film, par les voix de la Profileuse et vers la fin, du Boucher lui-même.
Pourtant il ne s'agit pas d'une simple étude de caractère plus ou moins convaincante ou justificative. C'est le ressort du dénouement car les interlocuteurs du Boucher qui le connaissent bien (je ne les cite pas pour ne pas les dévoiler) vont jouer au plus fin en fonction de son mode de pensée.
D'ailleurs quelle est cette personnalité ? Problèmes avec la maman, hallucinations. Mais pourquoi tue-t-il ? Recherche d'un "apaisement" (dixit le Boucher lui-même). Qu'est-ce à dire ? Sacrifice humain qui rachète les péchés ? Toute puissance de l'enfant qui n'a pas grandi dans sa tête et tue son prochain comme il tuait des fourmis ? On ne saura pas. Mais l'idée, pour les auteurs, est probablement d'évacuer la cruauté perverse au profit du modèle d'un génie du mal – à la Mabuse ou la Moriarty - qui passe beaucoup de temps à préparer ses plans et se croit intellectuellement supérieur. Pourtant le sadisme est là, dans la relation personnelle qu'il installe avec ses victimes.
Et puis il y a la fin ! D'abord c'est un film de serial killer soft où il n'y a pas une goutte de sang. Bravo pour la performance ! Ensuite il y a cette scène éthiquement hallucinante où la gamine se jette dans les bras de son serial killer de père pour lui dire adieu, comme s'il partait à la guerre. Il s'agit probablement de nous confirmer la double personnalité mais quand même... Enfin il y a l'astuce finale, que je ne révèlerai pas, mais qui peut nous laisser espérer une suite. Sans grande certitude : il s'agit surtout de nous confirmer que le Boucher se croit génial.
En fait, un film avec des tas de bons moments, porté par un excellent acteur entouré de bons seconds rôles, mais qui laisse un sentiment mitigé. A cause d'un traitement artificiel qui prend pour prétexte un sujet grave (le sadisme et la violence intrafamiliale) et peut-être parce que le climax conjugal – qui montre bien que le personnage est un gros taré – est quelque peu contredit par le traitement soft et l'épilogue. Ça édulcore malencontreusement ce qu'est un pervers.
Alors, à quand "Le Boucher 2" ?
"Il revient et il est aussi traiteur !"
Créée
le 10 janv. 2025
Critique lue 4 fois
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