Trap
5.6
Trap

Film de M. Night Shyamalan (2024)

Shyamalan a tellement séduit public et critique dans son début de carrière qu’il subsiste encore aujourd’hui ce petit aiguillon qui pousse à lui laisser à chaque fois sa chance, au gré d’une filmographie aussi prolifique que frustrante. Tous les deux ans, le bonhomme déboule avec la même assurance, excite avec un teaser intriguant, puis livre un petit produit vaguement rutilant, dont les effets de manche ravissent les idolâtres et consternent les contempteurs.


Trap en est le parfait exemple : le postulat permet à la fois une intrigue tendue et une installation esthétique prometteuse, sorte de variation sur le Snake Eyes de De Palma. Shyamalan nous gratifiera certes de quelques travellings circulaires gratuits, de doubles focales surgies de nulle part et de filtres rouges pour rappeler qu’il peut faire dans l’esthétisme, et laisser son comédien cabotiner dans un surjeu assez étonnant sur l’exposition, mais abandonnera rapidement tout ce matériau pour se concentrer sur ce qu’il a toujours considéré comme son arme de prédilection : le scénario.


Et c’est là qu’on peut vraiment se sentir floués, parce que rien ne va. Le réalisateur exige de son spectateur une suspension de crédulité qui frôle l’insulte quant à ses capacités mentales. Un vendeur de tee-shirt au courant du plan du FBI qui déballe tout au premier venu, et le plan susdit dénué de toute cohérence dans son déroulé (en gros, on pèche dans le public toutes les dix minutes pour montrer le danger du protagoniste avec regard de côté pendant que sa fille lui parle), proposant de faire à la fin (interroger tous ceux qui sortent) ce qu’ils auraient pu faire au début…


On passera sur les marottes psycho de l’auteur, où les traumas d’enfance surgissent par hallucinations, et se réduisent à plier proprement ses serviettes, tandis que la star évoque en miroir ses propres problèmes avec papa, et que son papa à la ville fait un caméo pour expliquer qu’il est là en soutien de sa famille… Clin d’œil ? Cynisme ? Foutage de gueule ? On ne sait plus trop, mais qu’importe, on est déjà dans ce nouveau final à rallonge, où le protagoniste s’échappe avec une facilité telle d’une voiture, ou rentre dans une barraque gardée par toute la police de l’état qu’on se demande en quoi il pouvait se sentier « piégé » jusque-là, prélude au twist final dans lequel s’est enfermé le réalisateur depuis le début de sa carrière, et qui a ici la saveur d’un sachet de thé infusé dans un bassin olympique, au fil d’une conversation laborieuse au possible pour tenter d’écoper une intrigue ayant sombré depuis fort longtemps.


Alors voilà, rendez-vous en 2026, je ne manquerai pas le prochain que Shyamalan tease déjà : le gaillard ne manque ni d’imagination ni de talent, et le gâchis aiguise le sens critique.

Sergent_Pepper
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le 17 août 2024

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