Hasardeux mariage

Je suis de ceux qui attendent “The Shape of Water” comme le messie. Poésie, effets visuels au poil, caméra oppressante, personnages complexes et torturés, les premiers trailers prédisent le retour du Del Toro de “Hellboy II”, qui allie sans complexe fantastique, burlesque, tragique, et émotion. Le tout dans une tonalité plus sombre et plus sobre, ce qui n'est pas pour me déplaire.
En attendant, j'avais décidé d'achever de visionner la filmographie du monsieur, et “Crimson Peak”, son dernier film en date, était également le seul qu'il me restait à voir.
Eh bien je suis un peu déçu, même si je n'en attendais pas grand chose.

Visuellement, c'est renversant. Chaque plan pourrait être affiché ou encadré tant la composition du cadre, l'utilisation des couleurs, des nuances, des ombres et de la lumière, sont fascinantes. C'est le “film jaune” de Del Toro, même si le rouge a aussi une belle place dans cette histoire de fantômes et de famille décadente. 

Et c'est justement au niveau de l'histoire que le film pêche un peu. Si la première partie se déroulant dans l'Etat de New-York au début du XXème siècle séduit par son côté “chronique sociale”, un peu à la manière d'un roman de Jane Austen (le mépris des travailleurs américains pour les roitelets du vieux continent est assez savoureux), la montée de la tension dans la seconde partie est moins bien gérée. En fait, on comprend vite les tenants et les aboutissants de ce comte noir aux allures Shakespeariennes, mais Del Toro surenchérit avec des effets d'épouvante, certes visuellement impressionnants, mais déplacés et souvent en trop. Screamers putassiers, musiques brutales, se marient mal avec l'atmosphère oppressante et mystérieuse que le réalisateur essaie d'insuffler à son film.
Cependant, le tout se regarde sans déplaisir, d'autant plus que le couple d'acteurs principaux (Mia Wasikowska et Tom Hiddleston) fonctionne très bien. Le personnage de Jessica Chastain agace un peu par son côté jusqu'au-boutiste et monolithique dans la méchanceté, mais c'est vraiment un bémol mineur.
Certaines scènes sont réellement choquantes sans donner dans le trash et redonnent au film une dimension plus « humaine », moins grand-guignolesque (je pense notamment au premier meurtre, brutal et marquant), un peu comme à l'époque d' « El Espinazo del diablo ».
Pour conclure, « Crimson Peak » n'est pas un mauvais film, mais c'est certainement un Del Toro mineur. Le spectateur peut tout de même admirer l'ambiance gothique brillamment instaurée par Del Toro, tout en regrettant le fait que, cette fois-ci, la forme semble prévaloir sur le fond.