C'est peu dire que je l'attendais, Crimson Peak, depuis que le projet fut officialisé comme prochain film de l'ami Guillermo Del Toro. Mais je voulais préserver à tout prix la magie, le mystère, l'appréhension et le plaisir de la découverte. C'est donc vierge de toute bande annonce, publicité ou critique que je m'enfonce dans le fauteuil rouge de ma salle de cinéma. J'ai même évité d'ouvrir (difficilement) le hors-série spécial réalisateur que Mad Movies vient de sortir dans le sillage du film.


Les premières secondes me font sortir de mes gonds : le mexicain a osé balafrer le doux visage de porcelaine de la belle Mia ! Argh ! Mais heureusement, Guillermo l'a fait pour les meilleures raisons du monde : celles commandées par l'issue d'un nouvel opus ensorcelant, délicat et fragile comme les ailes des papillons qui hantent la demeure de Crimson Peak.


Le film est à l'image de la chandelle éclairant la scène de valse entre Mia Wasikowska et Tom Hiddleston : sa flamme, sa véritable déclaration d'amour au genre ne chancelle jamais, ni ne vacille. Crimson Peak semble couler de source tellement il est fluide dans sa construction et dans sa narration. Il revêt d'ailleurs à plus d'une occasion l'allure d'un conte tour à tour gothique, cruel et lugubre, à l'imagerie enluminée, aux décors d'un sombre faste et aux personnages qui semblent obéir aux méandres d'une funeste malédiction.


Celle-ci pèse sur les lieux même, cette bâtisse agonisante, comme à coeur ouvert, dont les craquements funestes et les murmures sont autant de râles qui la précipitent dans la mort. Elle s'enfonce dans un même mouvement dans la terre, comme aspirée peu à peu par une bouche de l'Enfer sur laquelle elle a été édifiée. Elle baigne dans son propre sang qui colore les premières neiges de l'hiver, sublime contraste qui donne à Guillermo Del Toro l'occasion de créer des images magnifiques et des compositions immortelles, comme les fantômes qui hantent Allerdale Hall.


Les fantômes, eux, ne sont que l'expression de la souffrance dont les murs de Crimson Peak sont gorgés, accélérant le délabrement, confinant au macabre. Vaporeux, translucides et charnels à la fois, ils envahissent peu à peu la vie de l'héroïne qui se réfugie dans l'écriture comme Ofélia s'évadait dans le merveilleux et l'inquiétant du Labyrinthe de Pan. Les personnages dangereusement humains de Tom Hiddleston, vénéneux, et Jessica Chastain, perturbante, troubles doubles malsains, donnent quant à eux chair à la véritable menace.


Si les allusions, les motifs ou certaines situations peuvent rappeler L'Echine du Diable, Crimson Peak est moins un film d'horreur pur qu'une romance gothique à l'image du coeur débordant et sincère de son réalisateur habité par ce qu'il filme : magie de la noirceur, apparitions inquiétantes, richesse des couleurs et du détail, tout cela est au service d'un extraordinaire pouvoir d'évocation envoûtant, d'un opéra tout aussi amoureux que glaçant.


Behind_the_Mask, rouge sur blanc, mariage sanglant.

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le 14 oct. 2015

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