Medal of honor : Russian Campaign - Sam Peckinpah en totale roue libre
Quel film perturbant, décidément Sam Peckinpah est pour le moins un réalisateur étonnant qui ne cesse de susciter ma perplexité.
Après avoir été passablement échaudé par "La Horde sauvage", et "Pat Garrett et Billy le kid", qui m'avaient horriblement ennuyé et déçu, parce que j'avais trouvé ces films hyper vieillots, ternes, et vains, dans le sens où malgré leur richesse intrinsèque incontestable, je ne trouvais rien de tangible pour les apprécier : un scénario inexistant (dans le fond la horde sauvage, c'est quoi à part une bande qui poursuit une autre bande, pour au final s'entretuer, et idem pour Pat Garrett ?), des effets d'"hyperviolence" datés, des personnages secondaires fantomatiques, et l'opposition finale entre deux conceptions, deux hommes qui ne m'intéressait pas plus que cela.
Dans Croix de fer, on est exactement dans la même logique en fait, à tous les niveaux : opposition entre deux personnages principaux - personnages secondaires fantomatiques - hyper violence à gogo - et absence de déroulement linéaire.
Mais la différence ici, c'est que Peckinpah a véritablement pété un boulon, et a poussé tous ses curseurs au maximum, dans un déluge de sang, de tirs, d'explosions, de cadavres, à tel point que ça en devient absolument stupéfiant. (rien dans le fond ne m'a choqué dans le film, hormis une scène où un camion roule et écrabouille un cadavre noyé dans la boue)
Il y a quelque chose de frénétique dans ce film, de l'ordre de la folie la plus totale.
Peckinpah est en totale roue libre, le film est un bordel monstrueux, oubliez une quelconque localisation spatiale, oubliez d'essayer de comprendre qui est qui, qui tire sur qui, où est qui.. Non c'est impossible, c'est nihiliste!
Au milieu de ce bourbier infernal où le spectateur s'enlise tout comme les personnages du film, il y a quelques étonnantes séquences de brèves pauses (l'hôpital, avec l'infirmière, puis les visions du personnage de Coburn parmi les gueules cassées), qui là aussi m'ont scié, parce qu'on ne suit absolument aucune logique narrative classique, mais qui surtout font mine d'octroyer un peu de répit, en réalité on est véritablement plongé au sein d'un cauchemar permanent, qui est pour le coup incroyablement réussi à condition de rentrer dans le délire,
Et puis il y a cette scène où la bande à Coburn, tente de s'évader des lignes russes, et trouve sur son chemin un chalet rempli de femmes sans défense.
A ce moment précis je sais déjà que ça va mal tourner, et que ça va être glauque, mais dans l'absolu les images ne m'ont absolument pas choqué en tant que telles, et pourtant j'ai senti un putain de malaise, vraiment un étouffement, parce qu'au moment clé, Peckinpah le cinglé commence à te sortir un plan toutes les deux secondes, alors qu'on est dans un cadre très statique avec des personnages qui ne bougent pas ou peu.
Et comme ça pendant 5 minutes, les plans s'enchaînent à une vitesse stratosphérique, et là je me dis que le réalisateur est littéralement en train de me prendre en otage et d'essayer de m'étouffer. Et finalement la scène se boucle, et la folie du montage s'estompe dans un grand soulagement personnel. je crois n'avoir jamais ressenti un truc pareil en voyant un film ! Mais maintenant j'en suis sûr Peckinpah est un grand malade!
Le film n'est pas très choquant en soi, il est tellement excessif, qu'au final tout devient très stylisé, même le sang est parfois rouge fluo (cf l'enfant qui se fait fusiller), les ralentis qui m'exaspéraient dans Pat Garrett et la horde sauvage sont par contre pour le coup absolument magnifiques (il y a quelques plans ultimes à la fin notamment avec James Coburn qui m'ont laissé sur le cul, d'une classe folle quoi), les décors sont hallucinants, démesurés, incompréhensibles (il y a des tranchées, des villages, des chapelles, des machins, des souterrains, des usines désaffectées, des tanks partout, des avions, des ceci, des cela).
Quelques petits défauts peut être, les séquences du colonel cassent un peu le rythme et m'ont semblé assez inutiles (si tant est qu'il y ait un rythme ... D'ailleurs c'est moi ou Mike Myers dans Inglourious Basterds est le sosie de James Mason?), le générique avec la musique enfantine sur des images choquantes, même s'il est sympa n'est pas une idée neuve (cf Arrabal "Viva la muerte") (enfin bon c'est pas un défaut ça), ...
Enfin la confrontation entre les deux hommes aurait pu être plus poussée, j'ai l'impression qu'elle n'est qu'effleurée, même si la conclusion brutale est brillante d'ironie. Et les deux acteurs James Coburn en tête (quelle classe putain!), Maximilian Schell sont fabuleux.
Pour conclure cette critique totalement bordélique (ce qui doit donner un aperçu assez fidèle du film en fin de compte), voilà un film qui me plaît beaucoup parce qu'il est totalement excessif, baroque, dingue, dangereux, et fou! Et libre dans sa construction, dans sa narration, sans pour autant être chiant ou lourd (ce qui pour moi sont les défauts des deux autres films de Peckinpah précités)...