On peut s’étonner dans un premier temps du choix de Peckinpah consistant à choisir des personnages de l’armée allemande pour son unique film de guerre, qui plus est lorsqu’ils parlent anglais (avec notamment cet accent impeccablement britannique de James Mason).
A mesure que le film avance, on comprend l’intelligence de ce parti pris.
Peckinpah souhaite filmer les soldats d’une armée en retraite, puis en déroute, à l’échelle d’une nation. La guerre qu’il donne à voir est un chant du cygne apocalyptique où l’humanité s’auto-réduit en cendre, avec ce pessimisme radical qu’on retrouve dans toute sa filmographie.
Dans ce parcours nihiliste, rien ne trouve grâce aux yeux du cinéaste. Le champ de bataille est un bombardement continu qui mêle les jaillissements de terre aux effusions de sang et les corps aux barbelés.
L’abri, plus sournois, ne laisse s’épancher une solidarité masculine que pour mieux révéler la meute sauvage dans laquelle elle évolue : la hiérarchie est soit dépassée, soit avide d’obtenir la fameuse croix de fer, babiole qui couronnera la bravoure d’une classe aristocratique et prussienne qui, si elle est en train de vivre ses heures dernières, ne le fera pas sans entrainer toutes sa section dans sa chute.
Sous la terre, régulièrement vibrante du fracas de la surface, les hommes voient toutes les valeurs s’effriter. La solidarité à l’épreuve des promotions individuelles, les amours homosexuelles révélées dans l’humiliation, et l’enfant ennemi qu’on recueille sans savoir qu’il sera mitraillé par son propre camp.
La parenthèse enchantée de l’hôpital pour Steiner, un James Coburn incandescent, fonctionne comme le contrepoint idéal : nous savons tous qu’il ne restera pas et reprendra le chemin funèbre de son pays, qui l’attend non loin.
Ce rapport bienveillant à la femme sera d’ailleurs bientôt repris par la confrontation à la section féminine russe, séquence terrible et muette durant laquelle on mêle aux désirs les faiblesses, la perfidie, la survie et le carnage.
La patte Peckinpah se prête bien au ton : ses fameux ralentis sur les corps disloqués répondent à un montage cut de plans très brefs, violentes incursions qui mitraillent aussi bien la rétine que les personnages. Dans une apocalypse croissante, parfois davantage visuelle que narrative, (on sent chez Peckinpah une volonté de donner à l’explosion et à la destruction une autonomie qui déborderait sur les enjeux humains), toute notion de rédemption ou d’espoir se noie avec une certitude de plus en plus grande.
Et ce n’est pas le final, lui aussi très représentatif de l’esthétique du cinéaste, qui contredira cette vision du monde : suspendue dans un éclat de rire qui vient fustiger la trahison, la barbarie dans laquelle se jettent à corps perdu les rivaux n’a pas de fin.
Sergent_Pepper
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le 26 sept. 2014

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