Amitié... L'un des plus jolis mots, dans toutes les langues.
Surtout, question sentiments, l'un des plus ardus à assumer pleinement. Les copains, copines, interchangeables, on en a des dizaines. Mais une seule main suffit pour recenser ses vrai(e)s ami(e)s, immuables, incontournables, durables.
Virile, trahie, "particulière"... L'amitié est un thème récurrent, omniprésent même,
pour le Cinéma.
Avec ce film, Jean-Charles Tacchella n'a donc pas eu la prétention de révolutionner le genre. Il s'est simplement, sincèrement attaché à traduire, à travers des séquences significatives et des dialogues très élaborés, sa vision personnelle. Et c'est très agréable à suivre. Même si l'on ressent un malaise indéfinissable car ce réalisateur attachant, là encore, ne signe pas juste une comédie parmi d'autres. Certes, on rit de bon coeur et souvent, mais s'intercale aussi la gravité de réflexion sur l'amitié. Que signifie-t-elle, qu'implique-t-elle, exactement. Sa fragilité face au temps qui passe, aux évènements venant tout bousculer... C'est dans cette façon très personnelle de "dialoguer" avec le spectateur que réside tout le charme du cinéma de Tacchella.
Au début, en 1973, des liens solides unissent trois amis, un garçon, deux filles, ayant fait ensemble l'Ecole des beaux-arts. Ils se voient presque tous les jours, ne se cachent rien de leurs vies privées, partagent les mêmes joies, peines, enthousiasmes, idées généreuses des jeunes de leur époque. Ils vivent une bohême joyeuse et désinvolte en peignant ces affiches de films qui faisaient tout le charme des frontons des vieux cinémas. (N.B. : mettre sur pause pour que rien ne fasse écran à la nostalgie).
Ce serait trop beau ! La Vie et ses contraintes vont bousculer cet équilibre. Chacun va devoir suivre son propre chemin. Lui renoue avec une ex et se découvre ainsi un fils ! Il va "se "ranger". Une fille va plonger dans une vie sentimentale tumultueuse. L'autre va rester la plus fidèle à leur idéal commun : elle peint des meubles de style.
Les années passent. Des enfants naissent. Des "moitiés" disparaissent. Ces trois-là
se rencontrent encore, mais par hasard, de façon fugitive : brève discussion à une station de taxis, un verre vite fait dans un bar... Ce n'est plus comme avant. Ils le ressentent. Ils en souffrent. Ils savent aussi qu'ils n'y peuvent plus rien.
Le film se clôt en 1981. Une soirée costumée est organisée, prétexte à des retrouvailles. En fait, ils vont mesurer combien il est douloureux de dire "adieu l'ami(e)" !
Interprétation tout en masculinité-fragilité de Bernard Giraudeau, s'imposant comme une valeur sûre du cinéma français ; et de Brigitte Fossey et Carole Laure, pétillantes et éblouissantes de féminités en pleine maturité.
C'est une vision plutôt pessimiste que Tacchella présente ainsi de l'amitié. Pour lui, même la plus sincère, la plus cimentée, finit par s'évaporer. On quitte donc "Croque la vie" avec, dans la bouche un petit goût d'amertume, titillant au point de retarder longtemps le moment de se laver les dents !

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le 30 avr. 2016

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