« Une partie de toi reste toujours en moi ». Cette phrase résume les pensées et les sentiments d’Erna, le personnage principal, et de manière plus générale le film. Crosswind c’est donc un film sur la mémoire, mémoire en hommage aux victimes de l’holocauste estonien mais surtout un film sur l’amour et l’espoir. Deux sentiments qui résistent malgré la séparation, malgré l’horreur, malgré la mort.
Ici, le réalisateur se sert de l’amour pour construire son film, un amour qui justifie tous les partis pris osés de ce que l’on peut appeler un ovni cinématographique. Le début du film est d’une beauté incroyable, l’esthétique est pure, simple et souligne le bonheur quotidien d’une famille. Le noir et blanc est éclatant et les mots d’Erna apportent, sans rentrer dans le pathétique, la touche parfaite de sentiments. Pourtant le passé employé dans ses propos et le traitement chromatique montrent aussi que c’est un temps qui n’est plus et préparent à l’horreur.
C’est là d’ailleurs que le film tire son génie, dans le traitement du temps. En effet lorsque Erna est séparée de son mari, de l’amour de sa vie, Heldur, le temps s’arrête. L’amour est blessé par la séparation, la vie disparait petit à petit. Comme le dit Erna, elle est bloquée dans la joie dans son passé et tout autour d’elle est terne, en noir et blanc. Les images sont fixes, les acteurs ne bougent plus, seuls les mouvements figés, leurs expressions et le son off traduisent les conditions de vies terribles qu’ont subi ces déportés. C’est avec des grands plans séquences que la caméra se ballade dans un mouvement fluide entre les personnages pour toujours arriver sur Erna. Helde nous plonge dans le passé des ces victimes, dans le passé d’Erna comme si nous regardions un album photo tous ensemble et que chaque photo était analysée grâce aux lettres et à la caméra. De plus, ce traitement est modeste et se veut respectueux envers les victimes. On reçoit alors une belle leçon de cinéma car avec une simple image on ressent la peur, la compassion, l’horreur, l’espoir et l’amour sans jamais s’ennuyer suite à un manque de mouvement.
Erna ne perd jamais l’espoir de retrouver l’amour de sa vie et c’est pour cela qu’elle se bat pour rester en vie. Même après la mort de sa fille, elle n’envisage pas la mort comme d’autres femmes, elle travaille sans relâche jusqu’à ce qu’elle regagne sa liberté, toujours dans le but de revoir le sourire de son mari. Ses lettres décrivent l’horreur mais reste toujours pleines de beaux sentiments. Le son participe alors grandement à la compréhension et à l’expression des sentiments. Helde utilise parfaitement le hors-champs avec le son off qui alterne entre voix off, bruit de fond et musique pour souligner les images et les émotions. Le brouhaha que l’on entend sans jamais voir sa source dans l’image apporte un peu de vie mais cette vie n’est pas celles des déportés, c’est celle de officiers de Staline et cela appui alors d’avantage l’abomination de la situation. Les lettres d’Erna émettent des émotions qui l’on pense ne jamais pouvoir comprendre et pourtant son ressenti, sa culpabilité, sa tristesse, son espoir et son amour sont exprimés avec simplicité et universalité. La musique quant à elle reste très modeste avec quelques notes de pianos et de violons qui participent au ressenti de l’amour sans encore une fois ne jamais tomber dans le pathétique. Plus que le son, ce qui frappe dans ce film, c’est le silence. Silence qui n’est pourtant jamais présent mais que l’on ressent dans la salle, un accord tacite entre tous les spectateurs pour le respect du sujet du film mais aussi simplement pour en apprécier sa modestie et sa beauté.
« Que vaut la liberté si le prix à payer est la solitude ? », question que pose Erna mais à laquelle elle va devoir répondre car sa fille n’est plus et son mari ne reviendra pas. Question qui souligne l’importance de l’amour dans une vie et qui fais prendre conscience aux spectateurs qu’il faut apprécier le bonheur de chaque instant.