A la mi-70's, Friedkin est abordé par Philip D'Antoni (son producteur sur French Connection) pour lui proposer de tirer un film basé sur le roman de Gerard Walker (Cruising) dépeignant les agissements d'un tueur en série, visant la communauté homosexuelle (Spielberg fut un moment attaché au projet).
Friedkin n'est guère intéressé et l'envoie paître.


Quelques années après, c'est Jerry Weintraub (producteur de Nashville, entre autre) qui récupère les droits et le propose à son tour à William le terrible qui décline encore l'offre, dans un premier temps.
Mais la réalité va le pousser à accepter.


En effet, Friedkin a eu vent de meurtres non résolus dans le milieu gay vers la fin des 70's.
De plus, il avait un ami qui avait infiltré ce milieu pour y mener une enquête.
Et enfin, le déclic vint enfin lorsque l'un des acteurs de l'Exorciste (l'assistant du médecin à l'hôpital) avoua avoir tué de sang-froid plusieurs homosexuels.
Friedkin s'embarque donc dans l'aventure, pour de bon.


Lorsque la population gay de New York a eu vent de ce projet, elle a décidée d'interférer sur le tournage même du film.
La raison?


Tous se sont sentis offensés par ce qu'ils disaient être une image réductrice de leur mode de vie. Friedkin n'en demandait pas autant, vu qu'il souhaitait simplement dépeindre une catégorie particulière du milieu homosexuel: la "branche" cuir/S.M.
Du coup, lors de sa sortie en 1980, le film est descendu en flamme et par la critique et par la communauté gay.
Pacino lui-même reniera le film plus tard (ce qui est regrettable, au vu de son excellente performance).
Malgré tout ça, le film est moins une enquête policière sur les agissements d'un tueur en série, qu'un troublant voyage initiatique pour le flic infiltré (Pacino, donc).
Cela dit, Wild Bill engagera quand même Randy Jorgensen, un ancien flic ayant travaillé sur le cas des gays assassinés. Non seulement il incarne le Détective Lefranski, mais il est aussi le conseiller technique du film, pour tout ce qui a trait à l'infiltration du personnage de Pacino.
En fait, Jorgensen a été lui-même infiltré dans le milieu gay S&M lors de cette vague de meurtres; de plus, le Ramrod Bar et l'appartement de Steve Burns sont deux endroits dans lesquels Jorgensen à lui-même été à plusieurs reprises, lors de son infiltration.
Ainsi, Al Pacino interprète le flic Randy Jorgensen !


Revenons maintenant au film:


Nous voyons donc les changements subtils que connait l'agent Steve Burns (brûlant en français) au fur et à mesure de son immersion dans les bars gay, tendance cuir et moustache.
D'ailleurs, sa relation avec sa petite amie (Karen Allen) s'en ressent et les rapports sexuels se font moins conventionnellement qu'avant son infiltration.
Nancy:
"-Why don't you want me anymore?
Steve:
-What I'm doing is affecting me."
Tout est dit dans ces deux répliques...


Il s'attache plus ou moins à un gay "traditionnel", traine de plus en plus dans les soirées chaudes se déroulant dans des sous-sol transformés en boites de nuit.
Il y découvre la sexualité sans tabou, assiste à des scènes plutôt graphiques -bien qu'énormément raccourcies à cause de la censure,on parle de 40 minutes d'orgie en moins- qui l'intriguent de plus en plus. (A noter que les scènes se déroulant dans les clubs S&M, ont vraiment été tournées dans de véritables établissements underground du Meatpacking -ancien quartier où se trouvaient les abattoirs de New York- et avec les réels habitués des lieux, non pas des acteurs...)
De simple passif (les night-clubs), il devient actif (scène dans la chambre d'hôtel, lorsque les flics débarquent maladroitement).


A côté de ça, il nous est montré l'homophobie de la NYPD avec le personnage de l'agent DiSimone (interprété par le lubrique Joe Spinell) qui use et abuse de son pouvoir sur les prostitués mâles, ainsi que les injures discriminantes employées par la majorité des flics du film.


Il plane une certaine ambiguïté sur l'identité du tueur: est-ce vraiment Stuart Richards (Richard Cox), coupable désigné affecté par une schizophrénie galopante et arrêté par le jeune flic infiltré?
Pourtant, le visage du tueur tel que nous le voyons lors de certains meurtres, ne correspond pas avec celui du coupable supposé.
A cela, voici la réponse: l'homme (celui avec la fossette à la Travolta) qui tue la première victime à l'écran, se fait lui-même tué par un autre tueur, dans le parc (Loup, y es-tu?).
Cet autre tueur, c'est Stuart Richards, qui semble avoir un problème avec son père (la scène sur le banc) et lorsque Richards parle à ses victimes, c'est en fait avec la voix de l'acteur qui joue son père. Ce tueur nous est donc présenté comme schizophrénique.


Mais n'est-il pas concevable que Burns himself ait franchi la limite? Il possède des lunettes miroir et une casquette à visière, identique à celle du tueur (visible lors de la dernière scène l'impliquant).
En effet, nous voyons qu'il est capable d'une violence impulsive, lorsqu'il s'en prend au mec de Ted Bailey, Gregory (James Remar)
Une fois que Richards a été blessé puis appréhendé par Burns, nous voyons celui-ci retourner chez lui.
A la fin de cette scène, le montage alterne entre sa compagne qui enfile progressivement la fameuse tenue et lui-même qui va se raser.
La dernière image montre Pacino se regardant dans la glace, puis NOUS regardant, (brisant le 4ème mur), comme s'il nous interrogeait silencieusement sur ce que nous venions de voir.


Et arrive la scène finale, qui nous laisse voir un homme (de dos) avec la-dite tenue du tueur, se diriger vers l'un des bars, avec en fond sonore le thème d'ouverture, ne laissant ainsi planer aucun doute sur le fait que le tueur s'apprête encore à "cruiser" sa prochaine victime.


Cruising possède donc de nombreuses qualités:
-un film à tiroir, magnifié par une photographie sombre de circonstance (James A. Contner) ,
-d'une interprétation habitée de Pacino bien sûr, mais aussi de Karen Allen qui joue sa compagne, de l'immense Joe Spinell aka le flic dégueulasse et du jeune Gene Davis, dans le rôle d'un prostitué travesti.
-d'une réalisation sans concession de l'ami Friedkin,
-d'un score -parfois à la limite d'être des effets sonores- de Jack Nitzsche (seconde collaboration avec Friedkin, après The Exorcist).
-et enfin, d'une B.O immersive faite de morceaux de rock/punk/funk.
Mention spéciale à:



-It's So Easy de Willy Deville,
https://www.youtube.com/watch?v=22ItCXvq7X8&list=PL0E9F40ACE0F55C8A&index=5


When I close my Eyes I see Blood de Madelynn Von Ritz...)
https://www.youtube.com/watch?v=w4P-WQLon90&list=PL0E9F40ACE0F55C8A&index=2


Lion's Share by Germs
https://www.youtube.com/watch?v=DFcwY-EU_qs&index=7&list=PL0E9F40ACE0F55C8A


Une œuvre essentielle dans la filmo de sieur Friedkin, à classer entre French Connection, The Exorcist (1973) et Sorcerer (1977).


Un film coup de poing qu'il serait bon de réhabiliter.


"Hips or lips?"

Créée

le 28 févr. 2016

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The Lizard King

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