J'ai toujours eu une certaine attirance pour les films autres, les concepts perchés et les expériences cinématographiques particulières. Forcément une coproduction hispano-finlando-éthiopienne qui raconte l'histoire d'un nain qui tente de rejoindre un vaisseau spatial qui stagne dans le ciel éthiopien d'un monde post-apocalyptique, je suis forcément preneur.
Crumbs c'est donc l'histoire de Candy, un nain bossu et noir (pas de bol comme aurait dit Coluche) qui vit dans un bowling abandonné avec sa très jolie compagne Sayat. Lorsque le bowling reprend vie sous l'impulsion des ondes d'un mystérieux vaisseau spatial , Candy y voit un signe et il entreprend un long voyage pour regagner le vaisseau qui selon lui l'appelle.
Alors oui Crumbs est une véritable expérience et si le film nous plonge dans un univers assez fou et complétement surréaliste c'est avec l'aplomb d'une démarche plus artistique que fantaisiste et le plus grand sérieux. Ce n'est pas parce que l'univers du film est complétement barge que le film le sera et en tout cas il choisit l'option de la fable contemplative plutôt que celui de la farce. Le film de Miguel Llansó est assez lent , assez abscons dans ses thématiques mais il s'en dégage une assez singulière poésie entre profondeur et pacotille. Le personnage va traverser dans sa quête différents univers forcément vides de monde qui sont fait de bâtiments abandonnés, de vaste étendues désertiques et parfois plus luxuriantes. La singulière allure du personnage et l'étrangeté des mondes qu'il traverse donne au film une forme de bien mélancolique fin du monde. Dans sa quête Candy (Daniel Tadesse) croisera un nazi avec des oreilles de souris, un père noël noir et désabusé , une sorcière avec un mug de Cobra ou un projectionniste aveugle qui diffuse en boucle un superman turc; il s'interrogera aussi sur ce qu'il est lui même s'imaginant venir d'une autre planète ou être un super héros . Dans ce monde futuriste on vénère quelques reliques de la pop culture du passé (Crumbs signifie miettes) comme une amulette Tortue Ninja, un vinyle de Michael Jackson, une épée Max Steel en plastique de chez Carrefour ou des dinosaures en plastique . Tout ce rapport un peu fétichiste aux objets tout comme l'adoration quasi religieuse des personnages envers des divinités et des saints tels que Michael Jordan, Justin Bieber ou Stephen Hawkins ne seront guère explicités comme la majeure partie des éléments du film d'ailleurs. Il faut donc accepter de se laisser transporter par l'univers d'un film qui objectivement laissera plus d'un spectateur à quai et sera loin de livrer tout ce qu'il aura à dire. Je dois moi même avouer que si le film avait été plus long (il ne dure heureusement que 68 minutes) j'aurai peut être totalement décroché moi aussi . Je suis donc allé jusqu'au bout du voyage qui se termine sur une touchante et très poétique note romantique.
Crumbs est un petit film singulier qui ne m'aura toutefois qu'à moitié convaincu , c'est j'imagine le lot des propositions aussi radicales que de diviser le public et de prendre le risque de ne pas accrocher tous les spectateurs dans son sillage. Le voyage est original et parfois fascinant mais je ne sais pas si j'aurai envie de le refaire de si tôt.