Dans la vie on y passe tous. Je sais, ce n'est pas très gai comme début, mais que ce soit au milieu ou n'importe où, ça n'est et ne sera jamais gai d'y passer. La mort faisant pourtant partie intégrante et logique de la vie. Si bien que je ne comprends pas qu'encore aujourd'hui cela paraisse si invraisemblable pour la majorité des gens.
Mon cœur de pierre en étonnera toujours j'imagine. Et malgré lui, malgré ce manque d'empathie envers l'espèce humaine, qui ne la mérite de toute manière pas, il y a pourtant toujours cette pensée qui trotte dans ma tête, la pensée qu'un jour je vais me réveiller, ou simplement allumer mon téléphone, mon ordinateur, et que je verrais cette annonce inéluctable, celle de la mort de Clint Eastwood. Ça pour moi c'est invraisemblable.
C'est pourtant après 38 films et un documentaire qu'il n'est plus nullement question de tragédie ou de mort dans un film d'Eastwood. Ce vieux grincheux, aux yeux plissés et à la bouche pincé, s'offre à 91 ans, non pas un sommet de carrière, non pas son œuvre la plus forte, la plus marquante, loin de là, sa carrière étant de toute manière déjà bien noyée sous les grands films, mais assurément son œuvre la plus vivante, lumineuse et douce.
En effet, Cry Macho reste, malgré son montage un poil expéditif, on connaît l'efficacité légendaire de Clint qui n'a jamais aimé perdre son temps, et un scénario somme toute conventionnel, sans grande surprise, une sorte de petit bonbon qui ravira les fans du vieux cowboy.
Du cowboy, oui. S'il n'est plus question pour Eastwood de retourner à l'univers Western auquel il doit tant et auquel il a tant donné, s'arrêtant en 1992 sur Impitoyable, un de ses sommets pour le coup, Cry Macho est assurément son œuvre récente qui se rapproche le plus de l'aura du genre.
Il est inévitable en voyant ce personnage de Mike, ancienne légende du rodéo qui ne quitte jamais, ou presque, son chapeau de cowboy, en le voyant monter à cheval, ou bien arpenter, en voiture et non à cheval, ces plaines arides sous un couché de soleil coloré, de ne pas penser au Clint d'antan. Comme au bon souvenir, cette vadrouille bien moins cavalière et nerveuse s'avère tout à fait logique dans sa carrière.
S'il n'est certes pas mort, et qu'il le sera, je l'espère, le plus tard possible, il nous dévoile une fois encore un film à l'allure testamentaire, plus tendre que jamais. Une œuvre où les chevaux du passés sont guéris et non plus essoufflés. Où les méchants ne sont plus de simples méchants, mais des gens qui ont du faire des choix de vie pas toujours évidents. Où la vieillesse n'est plus le seul modèle mais à l'inverse peut apprendre de la jeunesse. Et où il n'est peut-être pas trop tard pour se trouver une famille, un foyer, juste histoire de finir sur la bonne note, la seule qui compte au final.
Il faut remonter à 2010 pour voir l'ultime légende du cinéma Américain adapter sur grand écran un roman et non une histoire vraie. Au-delà marque en effet la dernière adaptation littéraire du monsieur avant sa plongée dans l'univers du "héros Américain".
Il va sans dire que c'est un détail tant l'homme a arpenté les genres au cours de sa longue carrière. Et encore aujourd'hui il est plus qu'évident qu'il a toujours cette même passion dévorante, qui est celle de raconter des histoires. Jusqu'au dernier moment il se tiendra debout et contera la vie à travers son style à l'ancienne, son éternelle marque, ce classicisme qu'il maîtrise tant. Tout comme ces jeux de lumières qu'on se doit de saluer à chaque film. Ainsi qu'une BO toute en douceur.
"Douceur", cela restera le mot pour qualifier ce film. Certes pas grand, ni saisissant, impactant, mais bien doux, sincère, aimant, bienveillant, où les corrélations thématiques avec un Gran Torino ou un The Mule ne seraient pas exagérées.
En tous les cas, je ne sais pas quand le cowboy raccrochera son chapeau et sur quelle œuvre, mais le voir quitter son visage grincheux et grinçant pour un regard pétillant et une danse romantique, c'est quelque chose qui restera gravé à vie, sur l'écran, et surtout dans nos mémoires.