Les liens sont évidents entre Cul de Sac et Le Couteau dans l’eau, le premier long métrage de Polanski : mêmes enjeux d’une comédie grinçante autour d’un triangle réduit, même rapport au décor (l’eau dans le premier, l’île ici et sa marée montante), même volonté d’explorer les tensions suscitées par l’irruption d’un élément externe jusqu’au point de rupture.


Polanski n’envisage pas encore la dimension surnaturelle qui irriguera la suite de son œuvre ou la noirceur hallucinatoire qu’il avait déjà mise en place dans le terrible opus précédent, Répulsion : ici, c’est plutôt du côté du théâtre de l’absurde qu’il faut aller chercher ses influences, avec un goût pour la réécriture du film noir. A ce propos, l’ambition est plus grande en termes visuels : le noir et blanc est somptueux, et le jeu des clairs obscurs pour cette nuit blanche travaillé avec un soin presque expressionniste. L’alternance se fait entre l’intérieur de la demeure, qui se transforme en prison à la faveur d’un kidnapping un peu grotesque, et les abords de l’île, générant de splendides paysages, et notamment cette image que ne renierait pas Magritte d’une voiture prise dans la marée montante.


Mais sur ce canevas classique, Polanski injecte l’insolite dont il est coutumier ; car avant même que ne déboule le gangster, le couple manifeste déjà des sympathies pour la bizarrerie. C’est notamment le cas par le travestissement du mari, un amusement privé qui se présente comme le pendant comique de celui que pratiquera Polanski dans Le Locataire. Ici, comme dans Le Couteau dans l’eau, on s’amuse : un peu par désœuvrement, certes, mais surtout par affirmation d’une liberté qu’on croit permanente. Les comédiens, et particulièrement Françoise Dorléac, qui annonce en bien des points les rôles futurs de femme forte portés par Emmanuelle Seigner, joue avec conviction cette outrance théâtrale alliée au codage du film noir.


L’île, lieu idéal car hors du monde –ici, qui plus est, de façon éphémère, puisqu’il s’agit d’une presqu’ile isolée le temps d’une marée devient, une nuit durant, le cadre d’une hystérie croissante : tout le monde en prend pour son compte, des poules à madame, de monsieur en nuisette aux gangsters patibulaires.


La destruction a quelque chose de jouissif : comme si, sorti du solipsisme de Répulsion, le personnage de Polanski, loin de s’épanouir, trouvait matière à ses déviances par son contact aux autres, une leçon qu’on retrouvera dans Le Locataire et bien entendu Rosemary’s Baby.


L’enfer, c’est le nôtre, puis c’est les autres : autant faire ça avec panache, par un bain de minuit glacial ou à grands coups de ceinture.

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le 14 mars 2017

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Sergent_Pepper

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