Dans The Bubble, il était question de Tel-Aviv, une ville hors du conflit israélo- palestinien où la communauté homosexuelle est davantage tolérée, où la jeunesse œuvre pour la paix et fréquente la scène underground. Et puis il y avait la tragédie nationale qui atteignait même la sphère privée, si bien que la déchirure persistait entre Israéliens et Palestiniens en dépit des tentatives pour la surmonter. Dans Cupcakes, il s'agit toujours de Tel-Aviv, il y a toujours une parenthèse, une exception en comparaison avec Jérusalem. Etyan Fox dépeint dans cette comédie fraîche et à l'humour corrosif, un monde en technicolor. Outre les couleurs criardes, la bande-son kitsch à souhait (Polnareff, Mike Brant), on retrouve une critique en filigrane de la société israélienne caractérisée par son intolérance et sa cruauté.
Alat, quadragénaire connue pour ses cupcakes délicieux et dont le mariage s'effondre, se rend chez son voisin, Ofer, comme tous les ans, à l'occasion de l'Universong, un show télévisé ringard et consternant dans lequel s'affrontent des chanteurs de toutes nationalités (sur le modèle de l'Eurovision, donc). Ofer, lui, est animateur dans une école maternelle, c'est un jeune homme fantasque et adorant la variété de mauvais goût, ainsi que les costumes à paillettes. Homosexuel, il se heurte à la crainte de son ami qui refuse de révéler leur relation au grand jour. Se joignent à eux, Dana, au service de la ministre de la culture, une femme sèche et autoritaire; Yaël, ancien mannequin et toujours considérée comme une poupée barbie par son amant; Efrat, une rockeuse qui essaye de percer dans la musique, et enfin Keren, la bloggeuse timide, mal dans sa peau. Alors qu'Alat fond en larmes à cause de son mariage gâché, ses amis se mettent à fredonner un air entraînant pour la consoler. Ladite chanson est envoyée au concours de l'Universong et remporte un franc succès, si bien que les six drôles d'oiseaux sont choisis pour représenter Israël dans la compétition. Partagés entre leurs aspirations et les entraves de leurs vies respectives, les personnages ne savent comment réagir face au monde du show-business, et aux reproches de leur entourage. Pour autant, ils ne sont pas prêts d'abandonner.
L'histoire est simple, les portraits assez peu développés et les péripéties davantage drôles qu'imprévues. Mais le film séduit, parce qu'il est d'un optimisme désarmant, parce que du décor à la musique, en passant par les répliques, il est joyeux et enlevé. Il y a le rouge de la robe d'Alat lors du concours, les costumes comme les Claudettes, les cupcakes aux couleurs des drapeaux du monde entier... On se trémousse sur du Polnareff, on contemple un poster de Mike Brant et on érige Abba en modèle de réussite, même la chanson de l'Universong est "groovy" comme le disent les coaches et autres managers du groupe d'amis. Même Edouard Baer fait une apparition, il a un accent anglais à couper au couteau mais il est sympathique ! Les acteurs sont beaux et talentueux, les plaisanteries sur la nourriture kasher, le poids de la religion, et l'intolérance vis à vis des homosexuels sont les bienvenues, toujours acerbes. On a le droit à un happy-ending en bonne et due forme mais ça n'a pas d'importance, ce qui compte c'est le grand éclat de rire alors même que la guerre fait rage, et que Tel-Aviv est bien morose au dehors. Alors oui, on passe un très bon moment.