Cure
Cure est une œuvre opaque, au pessimisme ténébreux, foudroyante de beauté et de singularité, un triller faisant flirter une réalité sociale mutique avec un genre fantastique épuré et oppressant. Il...
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le 28 mai 2014
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La très grande force de Kyua est d’inquiéter son spectateur sans jamais chercher ni à le terrifier ni à l’entraîner sur les sentiers balisés d’un genre en particulier, qu’il s’agisse du polar, du fantastique ou du drame psychologique. Kiyoshi Kurosawa a l’intelligence de préférer le hors-pistes et se montre soucieux de garder jusqu’au bout une indépendance esthétique et narrative ; ce faisant, il confère à tous ses personnages une densité remarquable qui les rend passionnants à suivre. L’idée défendue par le film consiste à utiliser la proximité avec la maladie ou la folie comme un accélérateur de particules apte à réveiller les individus de leur léthargie sociétale pour la barrer d’une croix à la gorge de leurs victimes.
À ce titre, l’antagoniste pourrait s’ériger en allégorie de la société japonaise dans ce qu’elle a de plus mauvais et destructeur pour l’homme – cette lecture se justifie par la tirade du policier dans la cellule, lorsqu’il reconnaît subir son couple et le rôle qu’il doit jouer auprès d’une épouse malade. Dès lors, la contamination par envoûtements ou autres pratiques inspirées du magnétisme de Messmer serait une métaphore de la transmission de la subversion et de la révolte au sein d’un microcosme japonais étouffant qui menace ses membres par écriteaux et sanctionne par peine capitale interposés, et qu’il faut raturer, barrer.
Ce constat s’appuie sur l’évolution réciproque du flic et du psychologue qui, tous les deux, vont perdre leur sens des réalités pour assister au triomphe du magique sur le scientifique sans pouvoir le verbaliser ; ils perdent leur santé, deviennent ou fous ou fantômes, à l’image des plans superbes sur la déambulation de Takabe visible uniquement par son manteau qui paraît aussitôt flotter dans les airs. Le long métrage ose même la mise en abyme du cinéma par la projection d’une bande vidéo réalisée au début du siècle pour raccorder son spectateur à l’essence diabolique, comprenons à sa transgression esthétique et politique, du septième art.
Voilà donc une œuvre déstabilisante qui nous captive de bout en bout, brillamment mise en scène et interprétée.
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le 19 avr. 2022
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