Cyrano de Bergerac par pierrick_D_

Cyrano de Bergerac,nobliau du Sud-Ouest,fait partie des mousquetaires de la Garde Royale et appartient à l'unité des Cadets de Gascogne casernée à Paris.Soldat plein de bravoure,bretteur redoutable,il se pique aussi de poésie et n'a pas son pareil pour trousser et déclamer des vers souvent insolents qui lui valent l'inimitié des grands du royaume.Mais l'homme,sous ses airs de matamore indestructible,est en proie à deux énormes faiblesses.La laideur de son visage d'abord,notamment due à l'extrême longueur de son appendice nasal,qui provoque chez lui un terrible complexe qu'il transcende en ironisant à ce propos.Son amour secret pour sa cousine Roxane ensuite,qu'il n'ose avouer à cause justement de son physique disgracieux.Et quand la belle tombe amoureuse de Christian,jeune cadet nouvellement arrivé dans le régiment de Cyrano,elle demande à ce dernier de servir d'entremetteur.Le jeune homme étant de belle figure mais pauvre d'esprit,il confie à Cyrano le soin de rédiger les lettres enflammées qu'il adresse à Roxane.Au départ dépité,le cousin se prend au jeu et en profite pour vivre sa passion par procuration.La pièce d'Edmond Rostand,ne pas confondre avec Didier Roustan,a souvent été adaptée,la version la plus connue avant celle-ci étant celle de Michael Gordon en 50,qui valut à José Ferrer l'Oscar du meilleur acteur pour son interprétation du rôle-titre.Là c'est Jean-Paul Rappeneau qui s'y colle et signe en outre l'adaptation avec Jean-Claude Carrière.C'est solidement produit par René Cleitman et Michel Seydoux qui n'ont pas lésiné sur les décors historiques ni sur les costumes,perruques,armes ou maquillages,tandis que la musique de Jean-Claude Petit accompagne superbement l'action tant elle sonne d'époque.Jolie reconstitution donc d'un XVIIe Siècle tumultueux où évoluent dans la capitale aristocrates de haute ou petite noblesse,commerçants avisés,petit peuple,passe-lacets ou autres coupe-jarrets.Cyrano est la figure émergente au sein de cette faune bigarrée,ses diatribes versifiées plaisant aux pauvres mais moins aux puissants.On pourrait dire "tout ça pour une gonzesse",car effectivement il suffit de chercher la femme pour saisir tous les rouages de l'affaire.Roxane est l'astre autour duquel tournent des hommes satellisés tous désireux de la conquérir,du comte de Guiche à Cyrano en passant par Christian ou le vicomte de Valvert,celle qui déchaîne les passions et qui,telle une Hélène de Troie,va entraîner la perte de ses prétendants.L'ingénieux dispositif mis en place par Rostand est d'une précision et d'une perversité diaboliques,tout le monde finissant par être perdant.Bergerac,en plus d'être bloqué dans la friend zone,est mis dans une situation impossible, contraint de travailler à offrir l'élue de son coeur à un jeune gandin peu inspiré mais bien plus beau que lui,mais il va y trouver son compte.Il parvient finalement à atteindre son objectif,séduire sa cousine,car ce sont ses poèmes échevelés qui font chavirer la donzelle,plus que l'avenante physionomie de Christian.Mais cette victoire est aussi synonyme de souffrance car son entreprise marche si bien que la fille est conquise,seulement c'est le jeunot,devenu une sorte d'homme de paille,qui en bénéficie et emballe la greluche sous le regard attristé de Gros Pif.Ce n'est pas mieux pour le damoiseau,qui réalise peu à peu que son mentor est un poil trop impliqué dans sa façon de l'aider.Gêné quand il doit parler directement à Roxane,vu qu'il n'a pas les mots,il souffre de n'être que le bénéficiaire d'une duperie et de n'être au fond aimé de sa belle que par tromperie.En réalité,c'est lui qui sert de courroie de transmission entre les deux autres,Cyrano se servant de son charme pour draguer à fond et Roxane jouissant de ces écrits qui la transportent plus que de sa fréquentation.De Guiche est lui évincé par les manoeuvres des deux mousquetaires et voit s'évanouir ses chances de se faire Roxane,laquelle sera également vaincue après les tragiques évènements que son charme aura provoqués,perdant d'un coup tous ses prétendants et renonçant à l'amour,pour découvrir in fine,mais trop tard,une vérité qu'elle n'avait pas vue ou pas voulu voir.Cette fine analyse des rapports compliqués entre beauté extérieure et intérieure,entre réalité et apparence,explore avec une certaine cruauté les failles de l'âme humaine et les ravages de l'amour.Et puis il y a bien sûr la brillance du texte de Rostand qui flatte délicieusement l'ouïe et se démarque notablement du gangsta rap.Tout n'est pas parfait cependant et l'on n'échappe pas au syndrome du théâtre filmé dans de nombreuses scènes trop chorégraphiées où la diction est trop affectée et l'ambiance trop guignolesque.Gérard Depardieu,même s'il est plutôt du genre "Cinzano et Bergerac",trouve ici un rôle à sa démesure et balance ses répliques magistrales avec virtuosité,sachant moduler puissance et finesse,brutalité et vulnérabilité extrême.Vincent Pérez,qui aurait pu n'être qu'un jeune premier fadasse,existe avec force et défend son pré carré avec détermination face à l'ouragan Gégé.Anne Brochet fait un excellent boulot de comédienne et se montre très talentueuse,hélas elle a un gros problème,sa beauté toute relative qui empêche de croire qu'elle puisse à ce point déchaîner les passions de tous les mâles environnants.Jacques Weber,qui a beaucoup joué Cyrano au théâtre,se contente de jouer De Guiche,ce qu'il fait avec une justesse et une ironie splendides.Un bon casting de gueules vient accréditer l'atmosphère d'une époque troublée où déjà une grande misère côtoyait une grande richesse.Il y a Philippe Volter,détestable à souhait en vicomte venimeux,Pierre Maguelon,solide et jovial en capitaine des Cadets,la super classe de Jean-Marie Winling,extraordinaire en poète persécuté,plus des apparitions courtes mais marquantes de Pierre Triboulet,Pierre Aussedat,Michel Vuillermoz et les toutes jeunettes Ludivine Sagnier et Sandrine Kiberlain.