Le nouveau film de Quentin Dupieux Daaaaaalí n'est pas un biopic, c'est même tout sauf un biopic, un film totalement surréaliste à l'image de Salvador Dalí, la figure la plus populaire du mouvement. Réalisateur aux films enchantés et déjantés, il signe des films drôles, courts, non-conventionnels et surtout difficiles à résumer ... et Daaaaaalí ne fait pas exception à la règle.
Le réalisateur le plus prolifique du cinéma français, qui a déjà réalisé trois films en l'espace de 18 mois (Incroyable mais vrai, Fumer fait tousser et Yannick), nous invite donc à plonger dans l'univers du peintre de génie et maître du surréalisme. Et pour l'interpréter, il n'y a pas un seul acteur, mais six comme les six A du titre Daaaaaalí. Jonathan Cohen et Édouard Baer sont les deux acteurs qu'on voit le plus longtemps dans la peau de Dalí et qu'on pourrait qualifier de Dalí principaux. Et ce n'est pas un hasard si ce sont ces deux là qu'on voit le plus longtemps dans le film, dans la bande annonce et lors de la promotion du film, puisque ce sont eux qui s'en sortent le mieux. Jonathan Cohen, plus encore qu'Édouard Baer, est même assez exceptionnel, il se confond littéralement avec le personnage, au point où à un moment donné j'ai vraiment eu l'impression de voir le vrai Dalí.
Et puis vous avez aussi Gilles Lellouche, Pio Marmaï et Didier Flamand ... et Boris Gillot qu'on aperçoit à peine deux secondes. Parmi ces quatre autres Dalí, qui sont clairement des Dalí secondaires, c'est Didier Flamand qui s'en sort le mieux, très touchant en Dalí "âgé". Quant à Pio Marmaï, il fait ce qu'il peut, mais on ne le sent vraiment pas à l'aise dans ce rôle. Et pour Gilles Lellouche, je dirais que c'est celui qui s'en sort le moins bien, son interprétation est même limite complètement ratée ... mais heureusement pour nous, c'est lui qu'on voit le moins.
Mais le vrai rôle principal du film, c'est Anaïs Demoustier dans la peau de la journaliste qui interview Dalí. C'est une ancienne pharmacienne et pas boulangère (il y a un running-gag là dessus) qui veut se lancer dans le journalisme et qui donc choisit Dalí pour écrire son premier papier. Enfin, parmi les rôles les plus importants du film, il y a Romain Duris qui interprète un producteur assez détestable et on sent que l'acteur y prend un plaisir certain. Ces deux rôles sont importants, puisque si le film veut surtout être un hommage à Dalí, c'est aussi une critique des médias (et du monde du cinéma) à travers le personnage de la pauvre journaliste malmenée par le producteur vraiment, mais alors vraiment détestable.
Le film joue aussi beaucoup sur la frontière entre le rêve et la réalité, notamment avec un prêtre qui, lors d'un diner, raconte un rêve qui n'en finit jamais, au point où on ne sait plus si on est toujours dans le rêve ou dans la réalité. Et dans ce film un peu foutraque, qui dure à peine plus d'une heure (1h18 pour être plus précis), on voyage également dans le temps à travers six Dalí plus ou moins jeune/âgé. C'est un film surréaliste, à l'image de Dalí et un peu à la David Lynch. On joue notamment avec le temps qui s'inverse, comme dans Twin Peaks avec le son des voix qui s'inversent. J'ai pensé aussi aux Monty Python avec la première apparition de Dalí dans le couloir de l'hôtel qui n'en finit jamais. Il marche durant cinq bonnes minutes, mais ne semble jamais avancer, faisant du surplace et laissant le temps à la journaliste d'aller au toilettes, d'aller chercher de l'eau gazeuse ... un running-gag très drôle que n'auraient certainement pas renié les Monty Python.
Daaaaaalí est un film foutraque, mais ce n'est pas du grand n'importe quoi. Il y a une vraie cohérence dans l'enchainement de ces scènes plus surréalistes les unes que les autres. D'ailleurs, le film réalise une boucle temporelle, avec la fin qui répond au début. Il y a aussi la notion des poupées russes à la fin du film. En fait, Daaaaaalí est un film à tiroirs qui pioche dans pleins de genres. On sent que Quentin Dupieux veut faire un hommage à Daaaaaalí qu'il admire et qu'il s'inspire de pleins de réalisateurs qu'il aime beaucoup (David Lynch et les Monty Python, entre autres). Le film joue sur plusieurs "tableaux" et c'est franchement très réussi.