Ignoble !
Tout simplement une horreur, je le classe au niveau de la ridicule trilogie des tuches..
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le 1 oct. 2018
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On a tendance à l’oublier mais la Belgique fut l’un des pays d’Europe où la révolution industrielle survint le plus précocement, et avec une vigueur toute particulière. Néanmoins le pays comptait également parmi ceux des moins évolués en matière de démocratisation et de droits pour les travailleurs. Ainsi au début des années 1890, à la situation très précaire des ouvriers belges (aggravée par une crise économique d’ampleur européenne) s’ajoute un retard sur le plan politique, un suffrage censitaire strict étant alors en vigueur, verrouillant de fait l’accès au parlement. La majorité de la population se voit donc privée de droit de vote et soumise aux désirs d’une élite bourgeoise conservatrice et ultralibérale sur le plan économique.
C’est dans ce contexte houleux que l’abbé Daens entre en scène. Prêtre catholique cultivé et sensible à ce que l’on qualifie désormais de « question sociale » dans les milieux informés, il est de la génération de l’encyclique Rerum Novarum, fulminée par le pape Léon XIII en 1891, qui acte timidement l’engagement de l’Église catholique en faveur de conditions de travail et de vie plus justes pour les ouvriers. Le film se concentre sur l’engagement politique de Daens, de son arrivée dans la ville flamande d’Alost jusqu’à ce qu’il soit défroqué (interdit d’exercer ses fonctions ecclésiastiques) par sa hiérarchie, soit une dizaine d’années.
Stijn Coninx adopte avec son film un regard résolument réaliste, comme en témoigne cette première scène dans une usine de tissage où s’opère une transition du noir et blanc (style images d’archives) à la couleur, en même temps qu’est montrée le fonctionnement de la fabrique, avec son contremaître tyrannique, ses ouvrières aux gestes douloureusement répétitifs, ses enfants employés à la besogne pénible et dangereuse d’aller ramasser les chutes de laines sous les énormes métiers à tisser ou bien encore le bruit assourdissant des machines ainsi que leur chaleur palpable.
L’intérêt historique de Daens est loin d’être négligeable, puisqu’il est en réalité une sorte de radiographie très détaillée des conditions de vie ouvrière à la fin du XIXe siècle en Belgique, et plus largement en Europe. Vie de misère, où les familles nombreuses s’entassent dans des logements insalubres avec pour tout repas une pomme de terre par personne en fin d’après-midi. Tout le monde travaille, du père qui va vers la cinquantaine jusqu’aux « cadets » d’à peine dix ans, tout le monde passe sa vie à s’user dans des usines à l’air irrespirable et aux cadences infernales.
Le cinéaste fait dire à ses personnages, et notamment l’abbé Daens lui-même, toute la violence du monde duquel ils sont témoins et victimes : salaires misérables, durée du travail qui peut atteindre les quatorze heures par jour (ou de nuit), environnement de travail mortifère etc. Sans jamais en rajouter, le cinéaste offre un panorama juste et saisissant de ce qu’était la vie du travailleur moyen à cette époque.
Le volet politique de Daens n’est pas moins intéressant. Coninx reconstitue avec adresse le microcosme politique belge en en dessinant les principales sphères d’influence : patrons craignant pour leur pécule du fait de la crise et de la concurrence internationale ; patrons « libéraux » favorables à une augmentation des salaires et une politique plus sociale envers les ouvriers ; politiciens retors à toute idée d’élargissement du droit de vote aux masses ; Église hésitante entre la voie traditionnelle du conservatisme social et celle, plus récente et « compromettante » du progrès social via la démocratie. C’est de cette dernière dont il sera principalement question, du fait de la fonction d’abbé de Daens.
Les conflits de Daens avec sa hiérarchie occupent une bonne partie du film et mettent en évidence la difficulté pour cette institution de se départir de son rôle traditionnel de ciment des forces bourgeoises au pouvoir. Le risque de tomber dans le socialisme « pur » constitue l’autre point de tension, ce dernier prônant un anticléricalisme contraire aux valeurs de Daens. Ce qui n’empêche pas des points de convergence d’être trouvés entre l’abbé et les « Rouges », qui lui accordent leurs voix lors de sa première élection au parlement.
On ne pourra qu’apprécier la finesse avec laquelle tout ce petit monde est mis en images par Coninx. Un travail dont l’humanisme très prégnant et la grande rigueur dans la reconstitution historique fait parfois penser au non moins excellent Matewan du réalisateur américain John Sayles, traitant lui aussi d’un sujet similaire. Film choral à certains égards, pétri de bons sentiments mais sachant rester « digne » et les pieds sur terre, Daens est un passage obligé pour tout amateur de drame social et/ou de film à forte valeur historique sur le XIXe siècle européen.
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le 18 juil. 2021
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