Il y avait déjà eu un premier film sur Dalida que je n’avais pas vu, je ne ferai donc pas de comparaison, mais de toute façon un film est un film, que le sujet ait déjà été abordé avant ne m’intéresse pas beaucoup dans la critique du film qui m’intéresse. Inutile de commencer par un résumé, puisque c’est un film biographique. Mais l’est-il tant que ça, en fin de compte ?


J’ai vu beaucoup de commentaires différents à propos du film, et surtout beaucoup de commentaires négatifs suite à l’avant-première. Mais ce que j’ai vu dans ces commentaires négatifs m’a encore plus donné envie de le voir. L’avant-première a sans doute été vue, majoritairement par des fans de Dalida (j’adore Dalida moi aussi, et je serais bien allée à cette avant-première si j’en avais eu l’occasion !), qui auraient sans doute aimé voir un film retraçant sa vie, son histoire, avec peut-être des images d’archives et des secrets dévoilés. Rien de tout cela, car nous nous trouvons devant un film superbement réalisé qui nous fait oublier qu’il parle de Dalida. Ce n’est pas un film sur une chanteuse, que j’ai vu : c’est un film sur l’existence, la mort, et le bonheur.


Que peut vouloir une femme qui a tout, qui est connue, riche, belle, toujours entourée d’amants ? Celle qui « donne de l’espoir à des milliers de gens » mais qui répond à cette remarque : « et moi, qui m’en donne ? » Le film s’ouvre sur sa tentative de suicide dans une chambre d’hôtel, suivi d’un flash-back, deux mois plus tôt, où elle retrouve son amant dans cette même chambre d’hôtel. Les deux personnages vont tenir un dialogue sur le philosophe Heidegger, qui dans Etre et Temps rappelle que l’homme est un « être-pour-la-mort. » La mort est constitutive de l’existence : dès que je viens au monde, j’avance vers l’heure de ma mort, et c’est seulement en acceptant la possibilité de cette mort que je peux vivre une existence authentique. Or, deux mois avant sa tentative de suicide, Dalida va dire qu’elle n’est pas d’accord avec Heidegger : l’homme est pour elle un « être-pour-l’amour », ce qui, loin d’être une formule niaise, signifie un « être-pour-la-vie », un être qui va créer de la vie, en donner autour de lui, ce qui sera justement ce qu’elle fera, elle, en tant que chanteuse : donner de l’espoir, de la vie, pendant qu’individuellement elle avancera de plus en plus sûrement vers sa propre mort. Le décalage est annoncé entre ce à quoi elle aspire et ce qu’elle va véritablement devenir, la contradiction interne à cette femme qui, tout en donnant une image resplendissante de vie au monde entier, va avorter, puis être condamnée à ne jamais avoir d’enfant, à voir disparaître ses amants les uns après les autres, puis disparaître elle-même, toujours entourée de la mort qu’elle pensait n’être pas l’essentiel de l’être humain.


Voilà le résumé que moi, je ferais de ce film, qui n’est évidemment plus une biographie, mais une véritable représentation de l’existence humaine. C’est pourquoi la structure n’est pas chronologique, ce qui a été reproché dans plusieurs critiques que j’ai pu lire. Pourtant, ce n’est pas tout à fait vrai : le film commence par la tentative de suicide, puis toute une série de flash-back vont monter, de façon aléatoire certes, ce qui s’est passé avant ; la suite de l’histoire suivra bien la chronologie, jusqu’à la fin.
Parlons à présent de la bande originale, car quoi que j’ai pu dire précédemment, il s’agit toujours d’un film sur Dalida et il faut bien parler du choix des chansons ainsi que de leur disposition au cours du film. Là encore, je trouve que c’était particulièrement réussi et surtout pertinent par rapport à la voie choisie pour mener cette histoire. Bien sûr, les tubes sont présents, et il aurait été difficile de ne pas entendre Je suis malade, Paroles paroles, Laissez-moi danser, Salma ya salama, Bambino et tous les autres… Ce n’est pourtant pas un répertoire à tubes. Il y avait beaucoup de chansons que je ne connaissais pas, et pourtant comme je l’ai dit, j’adore Dalida et la plupart de ses chansons, je les connais par cœur. Mais même les chansons connues étaient bien placées, et pas toujours au moment où on les y attend (à part peut-être Il venait d’avoir dix-huit ans, que j’ai vu arriver avec ses gros sabots...) Autrement dit, ce n’est pas Je suis malade qui ponctuera son suicide, ou Gigi l’amoroso qui sera entendu aux instants de bonheur. Les places des chansons sont judicieuses, et sans vouloir trop en dire, je retiens particulièrement le montage sur Laissez-moi danser et la place accordée (cela surprendra sans doute ceux qui ont vu le film) à Mourir sur scène, une chanson que j’ai largement attendue, quand j’ai vu la tournure que prenait le film dès le début, et il n’y avait pas meilleure place pour cette chanson, qui célèbre la mort alors que Dalida est celle qui va la rechercher et la refuser au cours des premières minutes du film. Pour l’anecdote, j’ai peut-être eu une petite larme en entendant ces premières notes, que je désespérais d’entendre…


En conclusion, je ne peux recommander ce film, qui peut-être a des longueurs, comme tout film qui fait un effort de structure, parce qu’on ne peut pas comprendre du premier coup tous les choix de la réalisatrice. Un petit regret, peut-être ? J’en ai un. Comme disait Mistinguett, évidemment, apparaît dans le film, largement coupée comme de nombreuses chansons (on ne peut pas tout faire tenir en deux heures !) mais j’aurais aimé entendre le passage suivant :


« On dit depuis bientôt plus de vingt ans
Que je ne passerai pas le printemps »


Parce que c’est une chose qui est répétée dès le début : Dalida est démodée, Dalida tente de se suicider, Dalida n’a plus d’espoir… mais, vingt-cinq ans plus tard, Dalida est toujours là.


Bon aller, un autre regret, très personnel cette fois-ci : une de mes chansons préférée, Pour en arriver là, n’y était pas, mais je ne l’attendais pas spécialement, ce n’était pas une chanson connue, même si elle aurait facilement pu trouver sa place dans le scénario.


Plus d'infos à cette adresse (une deuxième partie comportant des spoilers et que je ne mets pas ici) : http://carolinegiraud.blogspot.fr/2017/01/dalida-de-lisa-azuelos.html

CarolineGiraud
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le 18 janv. 2017

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