Travaillant personnellement dans le milieu associatif du VIH/sida, j'ai d'abord regardé ce film au travers de mon prisme professionnel. J'etais trop jeune pour connaître les débuts de l'épidémie, mais elle est dépeinte avec une justesse que je retrouve dans les récits qu'en font mes collègues plus âgés et des militants de longue date. La peur, tant du coté des personnes diagnostiquées séropositives qui se savent condamnées que du coté des personnes non-infectées qui reagissent par la violence et le rejet.


Matthew McConaughey joue le rôle de Ron Woodroof, cowboy de rodéo texan, qui disons-le tout le suite est un sale type: raciste, homophobe, arnaqueur, voleur, c'est l'archétype de la petite frappe "white trash". Plus anti-heros tu meurs. C'est pourtant peut-etre justement à cause de ce côté retors qu'il reussit à se procurer des médicaments essentiels à sa survie, interdits alors sur le sol americain ; il en profite même pour se remplir les poches au passage, car l'état de l'épidémie est telle que lorsqu'il ouvre le "Dallas Buyers Club" (une façon habile de contourner la loi sur la commercialisation de médicaments non-reconnus), une queue impressionnante se malades livrés à eux-mêmes sans traitement se bousculent devant sa porte. C'est extremement poignant de voir depeinte cette atmosphère de peur, et la prestation impressionnante d'un Matthew McConaughey physiquement méconnaissable y est pour beaucoup. L'oscar qui récompense sa prestation n'est pas volé. Je ne sais pas à quel point des éléments ont été ajoutés dans cette biopic, mais il m'a semblé que ça tenait debout sans héroïsme forcé, sans excès de misérabilisme non plus. La bonne idée de ce film, et qui le démarque de tant de films sur le VIH/sida, c'est de centrer la tension et le focus de l'histoire non pas sur une énième intrigue autour de la fin annoncée (même si ici elle joue un aspect important), mais sur la révoltante inaccessibilité du traitement, et sur la désobéissance civique (qui équivalait à une politisation forte de la question), qui a été la clé de voûte des combats des militants de la cause. La mise en scène n'a rien de remarquabe, mais elle fonctionne.


La bonne surprise du film, c'est Rayon, la femme transgenre le personnage joué par Jared Leto. Son jeu en sensibilité permet de faire passer à l'écran certaines choses qui y sont rarement illustrées: j'ai été impressionnée et émue par la scène où Rayon s'habille en homme pour demander de l'argent à son père, malgré la violence que ce geste represente pour elle.


A voir!

InèsEl-Shikh
7
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le 19 août 2016

Critique lue 227 fois

Inès El-Shikh

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