Comment un bouseux du Texas, homophobe et raciste, alcoolique et drogué, obsédé sexuel et amateur de rodéos, alors qu’il apprend à 35 ans qu’il est séropositif, va devenir une sorte d’hommes d’affaires en lutte contre l’industrie pharmaceutique américaine et les institutions gouvernementales et sanitaires, voici ce que raconte Dallas Buyers Club, le nouveau film épatant du canadien Jean-Marc Vallée. Le beauf en question s’appelle Ron Woodroof et nous sommes au milieu des années 1980, époque où surgit le sida, alors présenté comme maladie des homosexuels et des toxicomanes. Lui qui vomit les pédés et ne jure que par les chattes – ce qui constitue l’essentiel de son discours, grossier et bas de plafond – ne croit pas en l’annonce de sa maladie et à la funeste prophétie du médecin lui laissant 30 jours devant lui pour régler ses affaires.

C’est à une transformation, tant physique que mentale, que nous assistons, mais elle ne s’inscrit pas réellement dans une démarche rédemptrice puisqu’elle est motivée par l’instinct de survie (trouver le traitement de l’AZT que les autorités fédérales refusent d’agréer et donc de dispenser) et par l’appât du gain, jusqu’à faire alliance avec un travesti également malade et décidé à tenter l’impossible. L’immersion du bouffeur de pédés dans la communauté gay locale constitue à vrai dire le plus réjouissant du film, porté de bout en bout par Matthew McConaughey, comédien en pleine éclosion après ses prestations remarquées dans Mud et Le Loup de Wall Street. Il réussit à rendre sympathique et touchant cet affreux gugusse qu’on avait peine à supporter au départ, qui reste ainsi intrinsèquement américain, en prenant en main son destin comme une sorte de self made man doublé d’un pionnier révolté qui ne s’en laisse pas conter, sillonnant la planète, du Mexique au Japon, en passant par Israël et les Pays-Bas.

Dans sa reconstitution appliquée de l’époque, le film ne manque pas de rappeler et de souligner combien les malades atteints du VIH étaient considérés comme des pestiférés, suscitant l’opprobre et le rejet des amis ou de la famille, à charge pour eux de s’entraider dans des groupes d’écoute. Le combat de Ron Woodroof, qui n’est jamais figuré comme un sacerdoce ou une mission divine, parce qu’il est avant tout celui d’un homme qui ne veut pas mourir, en tout cas pas empoisonné par des médicaments qui détruisent plus qu’ils ne soignent, aura permis au final de revenir sur les options initiales du monopole de l’AZT et d’ainsi de prolonger l’existence de millions de malades. C’est avec un plaisir qui va en augmentant qu’on accompagne cet homme hors du commun sur le chemin de l’ouverture d’esprit et aux autres.
PatrickBraganti
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Films vus en 2014 et Palmarès de l'année cinéma 2014

Créée

le 30 janv. 2014

Critique lue 420 fois

15 j'aime

Critique lue 420 fois

15

D'autres avis sur Dallas Buyers Club

Dallas Buyers Club
guyness
7

Dallas, ton buyers univers club impitoyâââ âable

Inutile de revenir sur des choses évidentes, comme le parcours atypiquement prodigieux de Matthew McConaughey et le fait que le bonhomme soit devenu suffisamment intriguant pour que désormais on...

le 3 févr. 2014

109 j'aime

16

Dallas Buyers Club
Gothic
9

Bulls on Parade

[PAS DE GACHAGE/SPOILER FREE] Signé Jean-Marc Vallée et ne versant jamais dans le pathos, "Dallas Buyers Club" nous raconte l'histoire du texan Ron Woodroof, redneck grande gueule (pléonasme ?)...

le 1 févr. 2014

104 j'aime

33

Dallas Buyers Club
Sergent_Pepper
5

"C’était vraiment très intéressant."

Depuis que je fréquente des cinéphiles et que je me penche sérieusement sur la question, je prends progressivement la mesure de ce qui fait la spécificité d’une œuvre cinématographique. C’est un...

le 20 févr. 2014

103 j'aime

19

Du même critique

Jeune & Jolie
PatrickBraganti
2

La putain et sa maman

Avec son nouveau film, François Ozon renoue avec sa mauvaise habitude de regarder ses personnages comme un entomologiste avec froideur et distance. On a peine à croire que cette adolescente de 17...

le 23 août 2013

91 j'aime

29

Yves Saint Laurent
PatrickBraganti
3

La couture lache

Hormis l'interprétation en effet époustouflante de Pierre Niney (la voix et la gestuelle) qui, au-delà de l'exercice purement mimétique, parvient, dans la première partie jusqu'à la rencontre avec...

le 9 janv. 2014

45 j'aime

4