Le biopic est un exercice fragile, particulièrement lorsqu’il est régurgité par Hollywood : on ne doit généralement guère s’attendre à davantage qu’une jolie reconstitution, vaguement hagiographique, émaillée çà et là de quelques égratignures sur les souffrances et excès du personnage hors norme qui mérite de passer à la postérité.


Ce qui est assez précisément le cas ici.


Travail propret, académique en diable, Trumbo ne sort jamais du cadre, et n’en avait de toute façon pas l’intention. Davantage que le portrait d’un individu, le film tâche, dans le sillage de La liste noire (qui me semble-t-il fut plutôt bon, mais vu il y a si longtemps…), de revenir sur une période noire de l’histoire des USA et qui éclaboussa particulièrement le milieu du cinéma, à savoir le Maccarthysme.
Dans cette perspective historique, le film fait sagement le job, détricotant avec pertinence le réseau nauséabond établi pour débusquer les comportements anti américains au plus fort de la paranoïa de la guerre froide. Des hystériques médiatiques préfigurant les figures du Tea Party aux hommes de l’ombre, le piège de la mise au ban du système est efficace, et la propagation des dénonciations assez redoutable.


Dans cet écheveau, notre protagoniste fait comme il peut pour maintenir une pose d’auteur : répartie, provocation, survie undercover dans des scenarii minables occasionnent des scènes vaguement amusantes, souvent plombées par un regard pesant sur les ravages familiaux.


Car lorsqu’il s’occupe des individus, le récit n’a pas grand-chose à en faire d’autre que des archétypes, instruments à sa démonstration générale. Trop écrit, assez artificiel, le film ne se mouille jamais, et pense capitaliser sur ses grands noms comme Preminger ou Kirk Douglas, desservis par des clones low cost qui embarrassent plus qu’ils ne plongent dans le faste hollywoodien des sixties.
Bien sûr, Bryan Cranston ne démérite pas, mais ce rôle à oscar émeut autant que ses diverses postiches, blanchies au fil du temps, sans jamais évoquer les questions de l’écriture (tout s’écrit tout seul chez lui, dans sa baignoire) ni, déception suprême en ce qui me concerne, son unique et frappante réalisation, Johnny s’en va-t-en guerre.

Sergent_Pepper
5
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Politique, Historique, Famille, Biopic et Cinéma

Créée

le 1 mai 2016

Critique lue 1.3K fois

28 j'aime

3 commentaires

Sergent_Pepper

Écrit par

Critique lue 1.3K fois

28
3

D'autres avis sur Dalton Trumbo

Dalton Trumbo
Morrinson
5

Trumbo s'en va-t-en guerre

Même en sachant que les espoirs nourris par l'intérêt qu'on porte à un tel personnage et à une telle époque cinématographique seraient inévitablement déçus, "Dalton Trumbo" procure des sentiments...

le 2 mars 2016

21 j'aime

5

Dalton Trumbo
Behind_the_Mask
7

Un nom en haut d'une liste, un nom au pied d'une statuette

Je ne suis finalement qu'un cinéphile à la petite semaine. L'escroquerie qui se cache derrière le masque ne pouvait pas durer éternellement. Si vous en doutiez encore, je vais vous avouer (bien...

le 19 mai 2016

15 j'aime

Dalton Trumbo
Dagrey_Le-feu-follet
8

Dalton Trumbo

Dalton Trumbo est un film de Jay roach. Le film décrit près de 40 ans de lutte anti communiste mise en oeuvre par le gouvernement américain, 2 ans après la deuxième guerre mondiale et "la Chasse aux...

le 2 mai 2016

10 j'aime

5

Du même critique

Lucy
Sergent_Pepper
1

Les arcanes du blockbuster, chapitre 12.

Cantine d’EuropaCorp, dans la file le long du buffet à volonté. Et donc, il prend sa bagnole, se venge et les descend tous. - D’accord, Luc. Je lance la production. On a de toute façon l’accord...

le 6 déc. 2014

774 j'aime

107

Once Upon a Time... in Hollywood
Sergent_Pepper
9

To leave and try in L.A.

Il y a là un savoureux paradoxe : le film le plus attendu de l’année, pierre angulaire de la production 2019 et climax du dernier Festival de Cannes, est un chant nostalgique d’une singulière...

le 14 août 2019

715 j'aime

55

Her
Sergent_Pepper
8

Vestiges de l’amour

La lumière qui baigne la majorité des plans de Her est rassurante. Les intérieurs sont clairs, les dégagements spacieux. Les écrans vastes et discrets, intégrés dans un mobilier pastel. Plus de...

le 30 mars 2014

618 j'aime

53