La folie est un joli défaut
Damsels in Distress est une drôle de curiosité. Le réalisateur Whit Stillman a voulu donner la sensation que son long-métrage se déroule dans un autre univers, celui d’un autre temps, celui des comédies des années 30/40 où Fred Astaire faisait des ravages. Je n’ai pas eu à beaucoup chercher pour le deviner. D’un, un des personnages du film est un hommage à l’acteur et de deux, parce que le titre du film Damsels in Distress reprend le titre du film George Stevens, Damsel in Distress.
Pour faire percevoir ce sentiment de décalage, le réalisateur s’y attache dès l’ouverture en calquant ce dernier sur le modèle des comédies de l’époque un peu comme un The Artist d’un autre temps (celui du parlant). Il augmente aussi la luminosité de son film faisant resplendir le soleil et donnant la sensation d’être dans un rêve éthéré où la logique n’a pas sa place. Malheureusement, il est dommage que les numéros dansants du film soient très amoindris se contentant de fugaces apparitions vers la fin.
Toutefois, c’est le ton qui donnera à la comédie son charme. Son personnage principal Violet, incarné par une géniale Greta Gerwig, est hypnotisant, ne cessant jamais de parler et transformant toutes ses pensées en verbe virevoltant au gré du vent. On pourrait craindre à un agacement devant un tel moulin à paroles si les répliques n’étaient pas aussi intelligentes et fines, mêlant à merveille cynisme, humour, philosophie et charme. Par contre, on peut difficilement prétendre que l’équilibre soit atteint pour tous les personnages, certains secondaires sont attachants (Thor notamment), d’autres sont tellement sous-exploités voir limitées (pour ne pas dire carrément débiles et lourds) qu’ils conviennent davantage à la figuration.
Non, l’équilibre n’est pas atteint pour Damsels in Distress et l’ensemble vogue au gré de la tempête des sentiments. On en extrait un sentiment de regret car on sentait le potentiel pour aboutir à quelque chose de génial, malheureusement on ne fait que l’effleurer du bout des doigts. Surtout le personnage censé contrebalancer la folie de Violet et représenter notre alter-ego dans le film (il s’agit du seul qui est un minimum censé dans cet univers décalé) est assez lourd et rapidement inintéressant pourtant il est incarné par Analeigh Tipton, excellente dans Crazy, Stupid, Love..
Au début de ma critique, je parlais de rêve éthéré sans logique et c’est fortement dommageable. Le film déploie une structure chronologique mais s’attache plus ou moins à certains thèmes déclarés via un court texte sur fond noir entre chaque partie. Il en découle un certain refus d’une structure classique malheureusement, cela a pour conséquence de nous attacher à un sentiment bizarre, celui d’avoir raté des scènes. Surtout vers la fin du film où les ellipses deviennent tellement nombreuses qu’on se demande si le projectionniste n’a pas oublié quelques bobines au passage.
En gros fan de la sitcom Parks and Recreation, quel ne fut pas mon plaisir de voir Aubrey Plaza dans le rôle de Debbie la Déprimée et que ne fut pas ma rage de la voir si sous-exploitée tant son génie comique ressort l’espace de ses quelques répliques où elle réfute l’idée que Violet soit dépressive, pardon « en vrille ».