des situations abracadabrantesques, sans jamais détruire complètement ses personnages.
Une des choses les plus pitoyables au monde, c’est je crois, une salle où tout le monde rit, et vous ne comprenez pas pourquoi. Cela m’est arrivé plusieurs fois, et c’est un sentiment assez désagréable. Tout comme son extrême inverse : rire tout seul, comme un idiot, tandis que la salle ne semble pas comprendre l’humour glacé et sophistiqué de Whit Stillman, scénariste et réalisateur de Damsels in Distress.
C’est facile d’être fan de Whit Stillman, il n’a réalisé que quatre films : Metropolitan, Barcelona, Les Derniers Jours du Disco, et Damsels in Distress. On peut donc très rapidement devenir un expert mondial de Whit Stillman, le Woody Allen WASP, mais qui n’aurait fait que des bons films.
Car son cinéma est lui aussi très circonscrit : il ne s’intéresse qu’à ces blancs riches et protestants qui naissent et meurent dans l’est des Etats-Unis, tout en se reproduisant entre eux. Pire, il ne s’intéresse qu’à la jeunesse dorée WASP, dans ses rallyes de fin d’année (Metropolitan), ses pitoyables tentatives d’expatriation (Barcelona), son passage à l’âge adulte (Les Derniers Jours du Disco) ou ses pérégrinations Ivy League (Damsels in Distress).
Voici donc trois jeunes filles de bonne éducation, Violet, Heather et Rose, formatées robe beige et chaussures plates, qui recueillent sous leur aile Lily, la petite nouvelle en Converse et jean, mais très loin pour autant de la punk à skateboard.
Ces jeunes filles ont des idées sur tout et surtout des idées, gèrent un Suicide Prevention Center sur le campus à l’aide de donuts et de chocolat chaud, fréquentent quelques balourds de la Fraternité locale, et ont pour objectif de « laisser une trace dans l’histoire », en lançant une nouvelle danse à la mode, par exemple.
On parlera aussi de Baisers Volés, de Godard et de Truffaut, du Catharisme et de l’arrogance des journalistes, de Fred Astaire* et de l’odeur corporelle, de Zorro et de balle anti-stress.
Cette génération dorée, qui ne doute de rien et croit tout savoir, parce qu’elle gouvernera le monde demain ou épousera quiconque le gouvernera, Stillman a le génie de s’en moquer que légèrement. De toute évidente, il fait partie de cet univers. Au contraire, il pose sur eux un regard empathique… Ses personnages sont arrogants, voire carrément stupides (et tout particulièrement les garçons), mais le réalisateur de Metropolitan préfère enchaîner les petits gags, les phrases nunuches, qui, en se superposant tout au long du film, font naître les situations les plus abracadabrantesques, sans jamais détruire complètement ses personnages.
A la fin de la séance, je patientais aux toilettes quand une jeune fille, avec seulement quelques années de plus que ces demoiselles en détresse, me demanda en souriant, de ce sourire béat que l’on peut avoir à la fin du séance de cinéma : « Vous avez aimé ? » Son point d’interrogation n’était que formel.
Ça y est, nous étions deux.
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