58 minutes de votre temps, qui vous feront découvrir une leçon de vie unique


Je fais peur aux gens du fait de ma maigreur. Je fais peur aux gens du fait de mon manque de dents. Et puis du fait que..., bein avec ce problème de sida, quoi. La projection avant même de demander si on est séronégatif ou séropositif. Bein, le peu de gens qui savent que je suis toxicomane, ils m'ont rangé dans la première catégorie : les séropositifs. Mais bon ce n'est pas le cas, j'ai toujours été maigre comme ça. Mais ouais je fais peur aux gens. Et puis... quand il connaisse un petit bout de mon histoire je fais peur aussi pour ce que je pourrais... enfin ce que leurs enfants pourraient être, quoi. Ouais ça leur ferait peur que leurs enfants soient moi, quoi.



Par où commencer, par où commencer, il y a tellement à dire. Tout d'abord, un grand merci à Chinaskibuk qui m'a fait découvrir ce documentaire incroyable, et qui m'a convaincu d'écrire une critique que je pensais au départ inutile (car ayant lui-même déjà fait un retour sur ce documentaire que je vous motive à aller lire). Seulement, après réflexion, il m'a paru au contraire être un devoir de faire un retour écrit dessus, car ici il ne s'agit plus de parler cinéma, il s'agit de regarder une vérité que l'on pensait déjà acquise (monumentale erreur), à travers une leçon de vie difficile à regarder en face pour sa dureté, mais essentielle pour en comprendre tous les rouages infernaux via un ultra-réalisme qui n'épargne personne, avec heureusement une notion d'espoir difficilement acquis. Un sujet authentique, d'utilité publique que tout le monde devrait voir une fois dans sa vie.


Dan portrait d'un héroïnomane, est un documentaire réalisé par Pierre Alain Saguez qui signe ici une oeuvre difficilement descriptible. Avec sa caméra, Pierre A. Saguez suit sans aucun filtre Dan un homme de 40 ans héroïnomane depuis plus de vingt ans. C'est avec un regard sans jugement que la caméra va suivre le parcourt de Dan, n'épargnant aucun moment de sa vie d'accro à l'héroïne. Pas de jugement moral de la part du réalisateur, ni de moralisation infantile dans le propos, juste Dan qui vous raconte sa vie, ne cherchant à aucun moment à excuser son geste, ni à fermer les yeux devant ses choix. Ici on fait le portrait unique d'un homme banal et singulier plongé dans le cercle infernal de l'auto-destruction par la seringue. L'héroïne, le seul moyen qu'est trouvé certaine personne pour ne plus souffrir de la vie quotidienne, et qui dans une moindre mesure permet d'effacer les peurs, pour les remplacer finalement par d'autres : la peur de souffrir du manque.


Dan est très loin de l'image très cliché que l'on peut se faire d'un drogué. C'est un homme fertile par l'esprit, loin d'être inculte, qui malgré ses terribles conditions de vie ne se plaint jamais. Il laisse transparaître l'image d'un homme vrai et généreux qui assume totalement son statut. On ne sait presque rien de son passé si ce n'est quelques éléments divers et épars comme son incarcération en prison (qui aura finalement contribué à son développement philosophique dans sa manière d'interpréter la vie), son amour des chiens (fidèles compagnons sans jugement de valeur), la manière dont il a commencé à sombrer. Dan est un homme à la fois libre et prisonnier, qui malgré son geste de destruction embrasse pleinement la vie. Cela offre une vision très dogmatique et paradoxale en rupture totale de l'image finalement puérile du bien et du mal qu'on peut avoir. Il est le portrait d'un homme qui proclame avoir le droit d'aimer, avoir le droit d'espérer, avoir le droit de subsister, avoir le droit de vivre. L'esprit humain dans toute sa complexité. Une image fascinante dont on ne peut qu'imaginer les souffrances, et le parcours l'ayant mené à ce triste résultat où la solitude est sa triste maîtresse, et son amoureuse la Dame Blanche.


La Dame Blanche, la came de Dan, une drogue qu'il doit prendre obligatoirement deux fois par jour, pour lui permettre de tenir. Avec désinvolture il nous fait profiter et "sans aucune censure" du confectionnement de son cocktail. Un cocktail sous forme de petite cuillère, de feu d'allumette, de seringue, dont un mélange avec de la came, du citron et de l'acide citrique. La substance est prête, l'image tourne toujours, la veine pouvant accueillir la seringue remplie du produit est trouvée, l'injection peut commencer. Aucun détournement de caméra, on reste là, devant un plan fixe nous épargnant aucun moment de ce spectacle déroutant et effarant. On voit l'héroïne prendre au fur et à mesure le pas sur le visage déformé de Dan, jusqu'à ce que la Dame Blanche l'est pleinement enveloppé dans ses bras. C'est ainsi qu'on découvre le corps squelettique, meurtri et dévasté de celui-ci, laissant apparaître un important oedème et plusieurs abcès. Cependant, malgré ce cycle infernal où on le voit plusieurs fois se piquer ( main, ventre, jambe, cou...), l'homme dans cette folie fait preuve de bon sens en détruisant au préalable l'aiguille ainsi que la seringue avec laquelle il s'est piqué. Une aiguille qui selon ses propres mots joue un rôle primordiale : " Se planter une seringue cela a un rapport égal avec la sexualité. " Voilà à quoi il faut vous attendre durant ce documentaire intensif et touchant.


CONCLUSION :


Dan portrait d'un héroïnomane, est un documentaire réalisé par Pierre Alain Saguez tout bonnement fascinant, dérangeant, flippant et touchant. Jamais encore je n'avais vu un documentaire de ce genre, bien loin de ce que l'on a l'habitude de regarder, capable de vous livrer une lourde palette d'émotions dans laquelle on n'est jamais épargné. Rarement une caméra aura atteint un tel sens de réalisme et de vérité. Je salue le travail incroyable de Pierre Alain Saguez qui noue avec Dan une relation surprenante, sans le moindre jugement, dans le respect le plus total. On retrouvera Dan des années après, grace au réalisateur qui reprendra contact avec lui, et on sera content de le voir toujours vivant sous une autre forme, même si une fois encore rien n'est finalement jamais simple : ni tout blanc, ni tout noir. Je n'en dirai pas plus pour vous laisser le soin de découvrir la résultante de cette histoire qui ne vous laissera pas indemne.


La drogue c'est comme l'amour, cela crée une accoutumance.


Voici le lien pour la critique de Chinaskibuk :
https://www.senscritique.com/film/Dan_portait_d_un_heroinomane/critique/210092589
Voici le lien Youtube du documentaire (plus d'excuses pour ne pas le regarder) :
https://www.youtube.com/watch?v=-0dOutZffqQ&list=LLkaKx35O9H_TLgmksKWuzgg&index=4&t=0s

B_Jérémy
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 21 juil. 2020

Critique lue 1.7K fois

17 j'aime

14 commentaires

Critique lue 1.7K fois

17
14

D'autres avis sur Dan portrait d'un héroïnomane

Dan portrait d'un héroïnomane
chinaskibuk
10

Intellect au fond d'un noir tunnel sans fin ?

Dan, c'est un mec qui plonge dans la piquouse d'héro à l'âge de 15 ans. N'en déplaise aux biens pensants, l'ado n'a pas choisi l'addiction, bien au contraire, il y est "initié" par une pourriture...

le 12 janv. 2020

12 j'aime

27

Du même critique

Joker
B_Jérémy
10

INCROYABLE !!!

La vie est une comédie dont il vaut mieux rire. Sage, le sourire est sensible ; Fou, le rire est insensible, la seule différence entre un fou rire et un rire fou, c’est la camisole ! Avec le Joker...

le 5 oct. 2019

172 j'aime

140

Mourir peut attendre
B_Jérémy
8

...Il était une fin !

Quel crime ai-je commis avant de naître pour n'avoir inspiré d'amour à personne. Dès ma naissance étais-je donc un vieux débris destiné à échouer sur une grève aride. Je retrouve en mon âme les...

le 7 oct. 2021

133 j'aime

121