Film resté un peu confidentiel lors de sa sortie, ceux qui ont eu la chance de le voir prêchent activement la bonne parole.
Fatigué de voir des fantômes de petites filles sales aux cheveux filasses (même si mes plus grands frissons des dernières années leur sont évidemment dus), Dancing m'a juste retourné.
Limiter ce film à une histoire de fantôme serait terriblement réducteur, mais pourtant, c'est bien ça, en partie.
Mais c'est aussi une histoire d'amour touchante entre deux hommes, un écrivain chaleureux bien qu'un peu pompeux et suffisant (trait de caractère magnifiquement amené avec une subtilité et une finesse qui est bien trop rare au cinéma) et un artiste plastique qui travaille, dans un ancien dancing fermé depuis longtemps, sur une installation sur les ours, entre un ours gonflable en papier bulle, jeux d'ombres via des mobiles projetés sur les murs et capturés en vidéo et mis en direct sur un site (vu le look de l'artiste, crane rasé et grosse moustache, on saisit vite le propos de son installation, l'ours et la réappropriation de l'imagerie par une partie du milieu homo, les "bears" (ours) ou "bares" (nus) ).
Les deux hommes s'aiment et vivent ensemble.
Mais le plasticien est troublé, et sens une présence dans le dancing, qu'il a investi en tant qu'atelier.
Tout se déroule dans un isolement implicite, dans la grisaille de ce que je suppose être une île au large de la Bretagne, ou peut être simplement la Bretagne.
Les images sont magnifiques, la bande son, entre nappes abstraites et montées angoissantes au violon, pose une ambiance entre poésie et film d'épouvante.
Le propos est fin, sans sacrifier aux poncifs du genre, entre doppelganger et schizophrénie, histoire de fantômes et tranche de vie.
On se laisse embarquer dans quelque chose de singulier, voire d'unique, et cette ambitieuse entreprise est servie par des acteurs hurlant de vérité, au point que le clivage réalité/fiction soit obsolète ici.
Touchant, inquiétant, beau, inattendu, troublant, ce film mérite qu'on s'y attarde, qu'on revienne dessus, qu'on en parle, qu'on le regarde.
Leur troisième film, l'Autre, est finalement une ressucée de celui-ci avec malheureusement moins de finesse, quelque chose de plus consensuel, de moins mystérieux.
Et pourtant, ce dernier éclipse médiatiquement leur magnifique Dancing, mais n'a pas réussi à faire oublier l'existence de leur excellent documentaire sur H P Lovecraft, construit sur un mode analogue à l'installation autour des ours dans Dancing.
Trois réalisations, deux réussites majeures.