Un prof de danse, ça compte ainsi : "Et 1 et 2 et 3 et 4 et 5 et 6 et 7 et 8... Et 1...", etc.
Autant s'en inspirer pour juger ce film ayant pour originalité de s'inscrire dans ce contexte artistique.
Et 1 : et d'abord, pourquoi cet agaçant titre en anglais, "Dancing machine", qui accentue l'aspect monopolistique constant du cinéma américain ? "Le cygne noir", par exemple, est mieux en rapport avec l'ambiance de mort et de mystère autour d'un maître de danse estropié en pleine gloire dans un accident.
Et 2 : l'essentiel de l'action se déroule, en effet, dans un centre chorégraphique renommé. Et pour Gilles Béhat, pointure moyenne comme cinéaste, le pari consiste encore à renouveler le genre polar. Se souvenir de "Rue barbare", "Urgence". On le sait : pour les invraisemblances, ne pas trop se polar...iser !
Et 3 : les protagonistes sont vite cernés. Un maître de danse qui traîne la jambe et une douleur secrète en lui, qui espionne et tyrannise tout son monde. Un adjoint aussi doué que servile, qui anime les cours marathon. De belles et dures danseuses que la hantise de l'exclusion transcende de façon quasi-suicidaire. Et après deux morts bizarres, un policier qui va traquer un dangereux détraqué à ses yeux.
Et 4 : la première partie installe l'intrigue tout en cernant très bien l'univers jusqu'au-boutiste de la danse professionnelle. Souffrance et épanouissement corporels en vue de la perfection d'un geste, d'un mouvement.
Et 5 : le principe du faux coupable est utilisé de façon plutôt grossière. Tout est fait pour que le singulier maître de danse, vêtu de noir et dénommé Wolf (!), soit le méchant créateur de "Psychose".
Et 6 : la faiblesse de l'intrigue revient notamment à un nouveau venu en écriture de scénario, Paul-Loup Sulitzer ! De quoi en faire d'emblée une brebis galeuse ! Par contre, Redha (chorégraphie) et Cerrone (musique) font un convaincant pas de deux !
Et 7 : les acteurs réussissent plus ou moins à se tenir à la limite du faux pas. Alain Delon est à nouveau un "détraqué" avec ce qu'il faut de désabusé dans le regard et d'amertume dans la voix... ou l'inverse ! Claude Brasseur, louchant un peu vers Colombo, évite de se répéter en tant que flic. Patrick Dupont, danseur étoile, fait plus que jouer de l'entrechat parmi des souris débutantes. Marina Saura et Tonya Kinzinger feraient s'exhiber le pire macho en tutu à leur côté !
Et 8 : "Dancing machine" déroute/déçoit aussi par une fin très pirouette !