Avec une réalisation très plate, passe partout et exclusivement fonctionnelle, ce n'est que par son récit que le film se distingue en nous parlant d'une figure transsexuelle importante, thème audacieux et nécessaire. Cela étant, le sujet n'est pas aussi poussé qu'il le pourrait et n'apparait qu'à travers la métamorphose de Lili, là où il aurait pu appuyer une critique sociale plus pertinente. Si on peut louer la relative justesse du traitement de la question transgenre, on regrettera néanmoins le côté schizophrénique de Lili qui semble légitimer une certaine vision déséquilibrée du personnage combinée à une intrigante dépendance d'Einar vis à vis de son "alter ego", par exemple lorsqu'elle se rhabille en femme pour la seconde fois, en cachette, son soulagement me semblant alors plutôt excessif.
La complaisance imposée par le thème envers le personnage de Lili/Einar, interprétée par un Eddie Redmayne qui ouvre très grand les yeux, ne m'empêchera pas de la trouver assez antipathique, en tout cas lors la première moitié du film où elle est effroyablement égocentrique; alors certes elle se bat pour retrouver sa propre identité, ce qui n'est pas une mince affaire, après tout, c'est bien de cela dont nous parle l'oeuvre. Mais le film met l'accent sur la compréhensible détresse de son épouse, qui elle aussi en bave pas mal quand même, tandis que Lili, dans son coin, ne semble pas vraiment s'en soucier. Rageant. S'ensuit alors un attachement plus fort au personnage de Gerda, peut être la fameuse Danish Girl au final, ouverte et éprise d'un amour si fou pour Einar qu'elle ne met que peu de temps à accepter Lili comme étant sa remplaçante. En cela, le film a l'audace de dessiner une relation ambiguë, peu conventionnelle et me poussant à remettre en perspective ma conception peut être trop naïve d'une relation amoureuse (Et c'est ce qui m'a fait hésiter avec le 6).
Autre point négatif du film, son agaçante volonté de désarmer le spectateur face à la parfaite panoplie de l'oeuvre à émotion; à savoir, des gros plans sur des gens tristes qui parlent tout bas, la présence constante d'une bande originale constituée d'un piano et d'un orchestre de chambre, quelques plans symboliques sur des paysages, une écharpe qui s'envole au vent, des gens qui souffrent ... Le sujet est sérieux et mérite d'être traité avec un minimum de dignité, mais il est ici malheureusement desservi par une mise en scène mièvre et continuellement plongée dans le pathos.
Bon, j'ai quand même pas passé un mauvais moment et malgré les quelques défauts qui rendent l'oeuvre parfois pénible, ça reste un divertissement honorable pour lequel j'ai longuement hésité entre 5 et 6 étoiles.