Studios Disney, à Burbank, Los Angeles, 1962. Voilà vingt ans que Walt Disney (Tom Hanks) effectue des demandes répétées à l’inflexible auteur de romans Pamela Travers (Emma Thompson, extraordinaire), dont il aimerait adapter le célèbre Mary Poppins. Seulement, l’auteur, qui a en horreur les productions animées Disney et l’évasion du monde réel qu’ils offrent à leurs spectateurs, refuse catégoriquement. Contrainte financièrement d’accepter, elle se rend alors aux studios Burbank, afin d’étudier le projet en compagnie de Walt Disney et de son équipe. Mais elle est bien décidée à faire le film à sa manière, et pas à une autre. Pour Disney et ses hommes, dompter le tigre ne va pas être facile. D’autant que pour le dompter, il faut commencer par le comprendre…


Il y a rarement plus jubilatoire que de voir le cinéma parler de lui-même à l'écran. C’est exactement ce que nous propose ici John Lee Hancock, sous la férule des studios Disney, en entreprenant de nous raconter la genèse de ce qui est encore aux yeux d’une bonne part du public le plus grand chef-d’œuvre qu’ils aient produit, Mary Poppins.
En s’adjoignant les services de Tom Hanks et d’Emma Thompson, le réalisateur ne prend pas beaucoup de risques, et c’est pour le mieux : tous deux acteurs de génie, les deux comédiens nous offrent l’un et l’autre un de leurs plus grands rôles (peut-être LEUR plus grand rôle, d’ailleurs). Par la grâce d’une écriture intelligente et très rigoureuse, tous les personnages sont d’ailleurs aussi attachants les uns que les autres, l’alchimie entre chacun d’eux étant totale, tout comme celle entre eux et le spectateur.
Sans jamais nous forcer la main, Hancock et ses acteurs parviennent en effet, avec une subtilité ahurissante, à nous émouvoir sur le sort de chacun, sans pour autant oublier de nous divertir et de nous faire rire régulièrement. A ce titre, Dans l’ombre de Mary constitue sans doute une des plus belles illustrations (avec le film dont il retrace l’origine) de la célèbre maxime de Walt Disney : « Pour chaque éclat de rire, il faut une larme. » Réussissant à allier les deux dans un exercice plus acrobatique qu’il n’y paraît, mais somptueusement réussi, Hancock nous fait ainsi rentrer dans l’intimité de ses personnages avec une grande pudeur tout en nous dévoilant leurs souffrances profondes, finalement très similaires, quoique l’un cache cette souffrance sous un masque de joie et de fantaisie, tandis que l’autre la cache sous un masque de rigidité totale.
Constituant une immense montée en puissance par laquelle on ne peut qu’être séduit, le film de John Lee Hancock fera fondre le cœur de tout spectateur de bonne foi, tant l’aventure humaine qu’il nous conte est d’une belle universalité. N’oubliant pas de souligner à la fois la valeur créatrice de la souffrance dans la lignée de nos auteurs romantiques, et sa valeur rédemptrice, le réalisateur et scénariste nous livre un message d’une finesse et d’une profondeur presque inégalables, qu’un Billy Wilder n’aurait pas renié.
S’appuyant en outre sur une magnifique photographie, à la colorimétrie délicieuse et parfaitement maîtrisée, le film témoigne d’un excellent travail formel, qui se ressent autant dans le montage (une alternance très réussie du présent et du passé) que dans la musique délicate et envoûtante de Thomas Newman. Un travail formel d’une beauté qui achève de convaincre qu’à l’image de son modèle, Dans l’ombre de Mary peut à son tour être rangé dans la catégorie des chefs-d’œuvre…

Tonto
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le 28 sept. 2018

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Tonto

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