Yvonne quitte le garçon avec qui elle vit car il ne cesse de tenter de la décourager de poursuivre son rêve de faire une carrière dans la comédie musicale.

Elle retourne vivre dans sa chambre de jeune fille chez sa mère qui tient un restaurant vietnamien dans la banlieue parisienne. Les retrouvailles sont moyennement chaleureuses et rapidement on sent la tension entre Yvonne et sa mère qui souhaiterait que sa fille ait un vrai métier mais surtout reprenne le restaurant et épouse George le fils de sa meilleure amie. Sauf que George est gay ce que personne n'ose révéler à la mère d'Yvonne, charmant dragon qui terrorise tout le monde. En attendant, Yvonne se produit dans les spectacles de son meilleur ami Coco, musicien, metteur en scène qui n'accueille chaque soir que quelques spectateurs et elle anime en chantant le stand d'une grande surface déguisée en Reine des nems (sans le dire à sa mère qui fabrique les nems de façon artisanale). Lorsque l'opportunité d'un casting pour un "grand" spectacle à venir se présente, Yvonne fonce et franchit peu à peu les étapes des éliminatoires.

Vous croyez que j'ai tout dit ou que j'en ai trop dit ? Il n'en est rien et même s'il vous faudra attendre le 5 mars 2025 pour voir ce bijou de film, laissez-moi déjà vous mettre en appétit (un conseil au passage : voyez ce film après le repas, vous ne risquez de toute façon pas de somnoler tant l'énergie et la joie de vivre vous emporteront).

"Quand on a un talent, il faut le partager" disait feu le père d'Yvonne et c'est ce que fait ce film, partager. La joie, le bonheur, l'énergie, la volonté de s'en sortir, d'écouter ses rêves et de découvrir ce pour quoi on est fait. Tout cela sans la moindre mièvrerie ni le plus petit soupçon d'apitoiement sur soi-même. Et quelle merveilleuse idée (bravo Gaël) de commencer ainsi, oserai-je dire En fanfare ?.., un festival qui ne pourra certes maintenir cet état de dynamisme et de vitalité que procure le film mais au moins nous met dans les meilleures conditions possibles pour appréhender la suite.

Ce film nous saute dans les bras, ou plutôt c'est le spectateur qui s'y précipite et donne l'envie de faire partie de cette troupe chaleureuse, aimante et pourtant ô combien disparate. Pourtant le réalisateur dont c'est le premier film n'a pas choisi la facilité en se lançant dans la réalisation d'une comédie musicale (ne fuyez pas, merci). Et Stéphane Ly-Cuong sait de quoi il parle puisqu'il a un long temps animé (entre autre) le Cabaret jaune citron, un spectacle musical qui racontait déjà l'histoire d'Yvonne dont tout le monde, à commencer sa mère, souhaiterait qu'elle soit une vietnamienne parfaite alors qu'elle est née en France et ne rêve que de comédie musicale. Il reprend pour le rôle sa comédienne de l'époque Clotilde Chevalier (qui depuis est devenue chefffe de cuisine dans un restaurant du sud-ouest de la France) véritable feu d'artifice de dynamisme, de talent (elle chante et danse bien) et de gaité. Elle est le carburant de ce film pop, coloré, euphorique et drôle (on rit aux éclats) qui n'élude pourtant pas les questions liées à tout ce qui touche à la "communauté" quelle qu'elle soit.

Ici cette jeune femme d'origine vietnamienne "jaune dehors et blanche dedans" mais née en France doit faire face et dépasser tous les clichés et a priori liés à son apparence. Oui les comédiens, artistes d'origine vietnamienne peuvent être autre chose que des mafieux sanguinaires pour les garçons, des putes ou des serveuses de restaurant pour les filles. Le film aborde joyeusement ce cadre restrictif dans lequel ils sont enfermés. Et le metteur en scène à l'intérieur du film interprété par un Thomas Jolly (dont plus personne sur cette planète n'ignore désormais l'existence et le talent) hilarant, secoue dans un même shaker geishas, nems et Place Tian'anmen pour aboutir dit-il à une Asie (à laquelle il ne comprend rien) sans frontière dans un spectacle où Casanova tomberait amoureux d'une asiatique...

Tout est drôle, jamais poussif, lourdingue ou méprisant. Même lorsque la mère d'Yvonne évoque la guerre, les tortures ou l'exil, elle le fait avec recul et humour. Elle compare sa fille à une vendeuse de noix de coco sur le bord de la route, lui dit qu'avec sa tête (lorsqu'elle porte un masque hydratant) elle aurait fait fuir l'ennemi pendant la guerre. Cette vieille dame et sa soeur de cinéma, Ahn Tran-Nghia et Marie-Thérèse Priou ont toutes les chances de vous faire craquer. Vous allez les adorer. Tout comme ce film qui est un baume sur le coeur, les soucis et la mauvaise humeur et n'élude pas non plus quelques doux moments de grande et belle émotion notamment lorsque reparaît un cher disparu ou que la mère évoque les gros cailloux qui sortent de l'eau dans la Baie d'Along.

Merci à Clotilde Chevalier pour sa radieuse énergie, à toute la bande qui nous emporte avec elle et à Stéphane Ly-Cuong* pour son enthousiasme jamais niais et son optimisme bienfaisant et communicatif.

*Egalement acteur, Stéphane est le premier chirurgien contacté par Rita Moro Castro pour l'opération de Manitas del Monte...

A noter également l'apparition touchante de Lin Dan-Pham en Dalida vietnamienne, éternelle Camille de l'Indochine de Régis Vargnier.

LaRouteDuCinema
8
Écrit par

Créée

le 10 oct. 2024

Critique lue 99 fois

LaRouteDuCinema

Écrit par

Critique lue 99 fois

Du même critique

Moi capitaine
LaRouteDuCinema
8

Io capitano

Seydou et Moussa deux amis de toujours ont 16 ans et vivent au Sénégal. Ils partagent le même rêve : rejoindre l'Europe et qui sait, devenir artistes puisqu'ils écrivent des textes et sont...

le 7 janv. 2024

31 j'aime

Le Deuxième Acte
LaRouteDuCinema
8

Veux-tu m'épouser ?

Faire l'ouverture de l'un des plus prestigieux festival du monde ce n'est pas rien. Nul doute que la nouvelle folie de Quentin Dupieux en a dérouté et en déroutera plus d'un. Les commentaires à la...

le 15 mai 2024

23 j'aime

Jusqu’au bout du monde
LaRouteDuCinema
8

THE DEAD DON'T HURT

Vivienne Le Coudy d'origine canadienne et Hoger Olsen un immigré danois se rencontrent sur le port de San Francisco. Immédiatement ils se plaisent et Vivienne part vivre dans la cabane au milieu de...

le 1 mai 2024

16 j'aime