L'excellent et trop discret Gilles Marchand s'est encore une fois associé au réalisateur/scénariste Dominik Moll (Harry, un ami qui vous veut du bien, Lemming) pour délivrer un pur film de genre, à la réalisation parfaitement maîtrisée. L'intrigue en revanche, dévoile bien peu d'éléments de compréhension, au risque de perdre, de frustrer, ou de nécessiter un second visionnage (pour moi c'est un pur kiff de me faire balader et d'essayer de trouver toutes les clefs d'un film, mais pour d'autres...) Les atouts du film : s'embarquer totalement dans un récit allégorique et dans les codes du cinéma fantastique/horrifique de manière tout à fait digne, en nous épargnant les jump scare trop faciles et en distillant une tension continue - et Jérémie Elkaïm. En changeant de registre, il révèle une noirceur vraiment ahurissante, et sa prestation laisse une longue empreinte après la séance.
Les films de genre s'ancrent souvent dans le malaise familial, les non-dits qui recouvrent les relations abusives, et les créatures qui les peuplent sont autant de métaphores des traumas. Le monstre ici, c'est l'indicible, le refoulement d'une peur antérieure qu'il faut affronter. La fin ouverte soulève plus de questions qu'elle n'en résout, notamment autour de la "monstruosité" psychologique du père. Car dès la scène d'ouverture dans le bureau d'une pédopsychiatre, on comprend qu'il sera question de résolution d'un traumatisme - libre à chacun d'interpréter ce qui l'a provoqué, s'il est question d'une reproduction des violences subies par le père sur le fils... Mais le ton mélancolique des dernières séquences suggère qu'une fois devenues tangibles, les terreurs de l'enfance nous quittent sans un bruit, et le temps finit par les recouvrir.