Déroutant. Sympathique. Concentré. Banal. A suivre.
Ce film est une immersion dans la vie des gens. On croit tout d'abord n'avoir à faire qu'à une leçon particulière un peu spécial, mais bien vite, ce sont toutes les fenêtres, toutes les ouvertures et le moindre interstice qui devient une excuse pour "simplement jeter un oeil".
Comme dans Fenêtre sur cour, on voit mais on ne sait pas. Et comment se fier au récit d'un enfant qui peut faire changer une scène et modifier une vie entière d'un simple coup de crayon?
Comme dans The truman show, on ressort avec l'impression que le monde entier est dangereusement féroce. Ainsi, nous dit-on, rien de plus simple qu'entrer dans une maison? Dès lors, comment avoir confiance en ces gens prêts à livrer nos vies en pâture et piétiner nos désirs suivant leurs bons plaisirs rien que pour pouvoir s'adonner à leur passion?
Une fois encore, le corps enseignant est soumis à rude épreuve. Comme dans La vague, l'expérience fonctionne un peu trop bien. Comme dans Le cercle des poètes disparus, c'est le chef d'établissement trop bien pensant qui l'emporte. L'élément essentiel du film n'est pas le lycée mais plutôt son impact sur nos vies; et cependant Ozon nous livre une critique sous-jacente de ces nouveaux modes d'enseignement qui récusent les notes et les mauvaises appréciations par crainte de blesser "nos pauvres enfants, si jeunes, si fragiles, si naïfs". Étrange comme ces lieux dans lesquels nous passons la plus grosse partie de notre temps se détache si vite de nous. Oubliés l'école, le collège, le lycée, la fac, le bureau.. Ne resteront que les souvenirs qui s'y rattache: le goudron qui a écorché nos paumes et nos genoux, ce coin sombre au fond du couloir, la lumière crue dans les couloirs, la fresque vantant les mérite de l'école laïque, le rideau qui seul a surpris nos méfaits d'enfants...
Or, voilà que je m'égare. Il y a une bonne raison à cela: ce film n'est pas situé précisément. Une époque? La notre, puisque NOUS sommes spectateurs. Un lieu? Notre ville, après tout, pourquoi pas? Un lycée dont le nom sert le scénario suffit à fixer un cadre cohérent. En définitive, cette histoire ne se déroule nulle part, si ce n'est dans nos têtes.
Alors voilà ce que je choisis d'en retenir et pourquoi ce film m'a plu: il "ouvre le champs des possibles". Après l'avoir vu, j'ai fermé plus soigneusement mes rideaux et prêté une oreille plus attentive, plus concentrée aux bruits filtrant de chez les voisins. Nous sommes tous des voyeurs, François Ozon le sait et nous le montre, sans se préoccuper d'avoir à répondre aux lettres vexées des spectateurs. Nous raccrochons nos vies à des détails parce que la famille, le travail, la réussite sont les fils qui tissent les tapisseries de nos vies qui s'entremêlent. Qu'un seul de ces éléments viennent à manquer et nous finissons en vieux tapis élimé, oublié ou abandonné de tous.
Mention spéciale: à tout ce que le film ne dit pas
et de façon plus prosaïque, au jeu des acteurs.