Dans la ville blanche, comme une variation vaporeuse sur le thème de l'errance, comme un écho diffus d'autres films. Du personnage de Bruno Ganz déambulant dans les rues de Lisbonne, aidé par son état aphasique, son déphasage et son isolement, on erre vers d'autres horizons. On pense à Jack Nicholson perdu en Afrique dans Profession : Reporter, on pense à Rüdiger Vogler à travers l'Allemagne dans Au fil du temps. Cette thématique de l'incertitude existentielle traverse les œuvres de Wim Wenders et Michelangelo Antonioni, et on pourrait établir de nombreux rapprochements — L'État des choses, par exemple, se déroulait également au Portugal, autour du tournage d'un film.


De fait, l'état de Paul (Bruno Ganz) exhorte au questionnement existentiel à travers une série de temps morts. La mélancolie traverse le film de part en part. On est au creux de la vague, mais le protagoniste ne souffre pas de léthargie paralysante pour autant, bien au contraire : au-delà de la barrière de la langue et des différences de culture, le mécanicien allemand qui a déserté son poste sur un bateau s'insère avec une étonnante facilité dans la vie portugaise. Son amour pour la ville est aussi évident que son incapacité à prendre une décision quant à son avenir. Rester ici près de Rosa, une serveuse rencontrée dans un bar, ou retrouver Elisa restée en Suisse — avec qui il entretient une correspondance épistolaire nourrissant une dimension littéraire dense et intrigante.


Après tout, pourquoi ce ne serait pas le monde qui tourne à l'envers, comme le dit Rosa lorsque Paul constate que les aiguilles de l'horloge au-dessus du bar tournent dans le mauvais sens ? C'est en tous cas le commencement d'un voyage intérieur pour le protagoniste, qu'il matérialise épisodiquement par la pellicule de sa caméra. Au milieu de cet ennui pensif, comme prisonnier d'un songe, il croit prendre le temps de la réflexion alors qu'il s'enlise. Impossible de s'arrêter, de disparaître. Il faudra un vol, une blessure et un abandon pour qu'il se ressaisisse et se réveille soudainement, avant de reprendre la route. Et croiser le regard d'une nouvelle femme.


http://je-mattarde.com/index.php?post/Dans-la-ville-blanche-de-Alain-Tanner-1982

Morrinson
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le 12 déc. 2019

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Morrinson

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