Je m'emporte légèrement dans un élan d'adhésion et de surnotation pour deux raisons : la réhabilitation de Daniel Barber, que j'avais laissé dans un coin avec son dégueulasse Harry Brown, et l'introduction d'une certaine féminité (pas iconoclaste en 2014, mais qui mérite d'être salué) dans un genre qui y a longtemps été insensible, sans que cela ne relève uniquement de la pure posture.
"The Keeping Room" est pour moi un exemple parmi d'autres de films qui maitrisent bien la petitesse de leur budget : on n'est ni dans le dénuement involontaire de tous les plans, ni dans l'affirmation consciente de sa pauvreté, mais bien dans une gestion efficace de cette économie de moyens. C'est un scénario plutôt intelligent qui encadre avec soin les moyens mis à disposition, sans que l'on ne ressente sans arrêt les implications d'un tel financement. En l'occurrence, deux sœurs et leur servante noire coincées géographiquement et temporellement, d'une part sur les terres de leur propriété, et d'autre part dans les dernières heures chaotiques de la Guerre de Sécession.
Il manque une quantité non-négligeable d'ambition, voire éventuellement de talent, pour en faire un film vraiment mémorable, mais dans le cadre de ses intentions, "The Keeping Room" pourrait se résumer à un exercice simple et efficace. Il fait même partie de ces œuvres qui se jouent de certains codes et qui parviennent à surprendre dans certains mouvements, en orientant une trajectoire que l'on croyait bien définie (car déjà vue des centaines de fois) vers d'autres objectifs. Un exemple : Augusta, la protagoniste, retirant sa robe pour éteindre un feu à l'intérieur de la maison, lors d'un moment chargé de tension. On pense instinctivement à un énième élément de scénario tout droit sorti du cerveau d'un mâle en chaleur, mais la caméra prendra le soin de ne jamais ériger son personnage en une figure érotique, sans se départir de son statut de guerrière résistante. On réalise alors que le scénario a été écrit par une femme, Julia Hart (une condition absolument pas suffisante pour constituer un gage de qualité, bien évidemment, à apprécier à titre indicatif). À plusieurs moments similaires, on s'attend fortement à voir quelque chose que l'on ne verra jamais, et c'est plutôt bienvenu, alors que la première scène laissait augurer un étalage de violence et de gratuité.
Pas de discours notable sur la guerre ni sur l'opposition entre les états de l'Union et de la Confédération, mais plus prosaïquement une vision de la fin de ce conflit, dans un pays au bord du chaos. La toute fin, avec la maison des trois femmes dévorée par les flammes, dénote une forme de violence et de saccage systématique (de la part des Yankees, en marche vers les états du Sud, pratiquant la politique de la terre brûlée : c'est un détail intéressant à relever) que l'on aurait aimé voir un peu plus développée dans le film, au-delà de l'ambiance très soignée.