Mine de rien, la fièvre récente des adaptations des écrits de Stephen King n'a pas autant contaminé Netflix que l'on pourrait le croire. Hormis "1922" et "Jessie" (la série "The Mist" était une création Spike), la plateforme se montre plutôt raisonnable en la matière et semble privilégier une certaine qualité à la quantité, une donne donc à saluer vu le succès facile qui accompagne le nom de l'écrivain désormais utilisé en permanence. Ainsi, "In the Tall Grass" est un film qui, a priori, paraît s'inscrire en tout point dans cette logique. La nouvelle, coécrite par King et son fils Joe Hill et publiée en 2012 dans le magazine "Esquire", n'est pas la plus célèbre de l'auteur et, pour l'adapter, le revenant Vincenzo Natali -mais réalisateur talentueux de "Cube" ou de "Cypher" (on vous recommande ce dernier, beaucoup trop méconnu)- tient apparemment là un matériau parfait pour raviver les étincelles de ce qui a fait sa renommée. Après tout, "In the Tall Grass" parle d'un groupe d'individus pris au piège d'un environnement aussi étrange qu'hostile et il semble cohérent de penser que le metteur en scène de "Cube" soit l'homme de la situation afin d'en tirer le mieux parti.
Impression d'ailleurs confirmée par la première partie convaincante de cette adaptation. Notre immersion dans le mystère de ce champ de cultures avalant littéralement tout ceux qui y rentrent (ici, un frère et sa sœur enceinte partis aider un petit garçon s'y étant également aventuré) est extrêmement prometteuse. Vincenzo Natali retranscrit admirablement bien à l'écran la perte de repères subie par ses personnages et fait véritablement de son décor de hautes herbes une entité à part entière, vivante et manipulatrice pour conduire toujours un peu plus ses victimes vers les portes de la folie. En plus de renvoyer à des autres œuvres de King ("Les Enfants du Maïs" est la plus évidente par le cadre mais pas la seule), la mythologie du champ au cœur de "In the Tall Grass" se dévoile peu à peu à travers des éléments bien connus des connaisseurs de la bibliographie de l'auteur où un phénomène étrange n'est en réalité qu'un prétexte à exacerber les pires maux humains refoulés dans la violence la plus primaire. En environ 40 minutes, le film pose toutes les composantes de sa teneur en étendant au maximum l'influence du champ sur ses victimes jusqu'à une donnée essentielle, une construction cyclique où les points de liaisons à élucider vont avoir une importance capitale.
Le problème, c'est qu'à part chercher à comprendre la manière dont les personnages vont bien pouvoir s'en sortir grâce à ces indices (et "In the Tall Grass" n'a hélas pas l'originalité d'un tel procédé), l'heure suivante du film ne va cesser de mettre en lumière les faiblesses d'un potentiel finalement très limité. La richesse d'une nouvelle est bien moindre que celle d'un roman en vue de donner du contenu à une adaptation et, de ce point de vue, "In the Tall Grass" va se prendre les pieds dans le tapis de ses hautes herbes en ne sachant plus trop quoi faire sinon se mettre à ressembler à un entassement de passages obligés juste bons à remplir le quota horreur d'une telle proposition. Entre des poursuites incessantes dans le champ et quelques manifestations obligatoires d'une folie meurtrière inarrêtable, le film ne fait que perdre constamment de son intérêt, même pas aidé par ses personnages dont les tourments intérieurs ne passionnent guère (et ils ont d'ailleurs droit à leur inévitable séquence du "on déballe tout ce qu'on a sur le cœur en attendant la réapparition du danger"). Bref, malgré les efforts plus que louables de Vincenzo Natali pour proposer une imagerie bien plus marquante que la pauvreté dans laquelle s'enlise le fond (les plans aériens sont à chaque fois à couper le souffle, une constante !), "In the Tall Grass" sombre complètement aux confins d'un ennui poli. Alors que l'on devrait être follement impressionné par sa conclusion assemblant les pièces de son puzzle laissé en suspens, c'est plutôt le soulagement d'être arrivé enfin au terme du film qui prédomine.
Peut-être qu'une adaptation de "In the Tall Grass" aurait plus eu sa place dans une anthologie horrifique, sous un format d'un épisode d'une heure par exemple, car, sur la durée d'un long-métrage, et ce malgré un très bon départ, cela donne un film qui se retrouve pris au piège du petit périmètre induit par son propre contenu et donc, de fait, beaucoup trop long pour maintenir l'efficacité de ses prémices...