Cette petite série B se place en plein dans une certaine mouvance actuelle instaurant le cinéma de genre comme un catalyseur des questionnements de nos société contemporaines sur l’identité de genre, la féminité (et son opposé la masculinité toxique comme avec « Men » pour ne citer que l’un des plus flamboyants, radical et mémorable) mais aussi la race, comme ici et notamment pour les personnes de couleur. Forcément, et par ricochet comme cette tendance en est encore à ses balbutiements (moins d’une décennie), on se réfère à son instigateur : Jordan Peele, notamment avec ses deux premiers films « Get Out » et « Us ». En effet, cet avatar britannique qu’est « The Strays, dans leur ombre » n’aurait certainement pas existé sans le carton des œuvres de son modèle américain desquelles il s’inspire sans le cacher. Il n’y a donc aucun effet de surprise de ce côté-là et le film peut paraître légèrement opportuniste. Mais cela reviendrait à dire que tous les films à fort potentiel féministe ou contre le mâle hétéro cis genre qui pullulent actuellement sur les écrans le sont. Ce qui n’est pas le cas.
Ensuite, avec son début sibyllin et son ambiance anxiogène et pleine de mystère, ce long-métrage maîtrisé nous fait croire à un film d’horreur ou une œuvre fantastique à tendance paranoïaque. On pense alors aussi beaucoup à un chef-d’œuvre du genre : « It follows ». Mais, heureusement, passé la première partie, « The Strays, dans leur ombre » prend un virage bien plus singulier et surprenant pour se focaliser sur le suspense psychologique. Et un suspense très tendu et pertinent. L’ambiance se veut étouffante et on n’est parfois pas loin d’un cinéma social exigeant et malsain à la Haneke. Quand le mystère s’éclaircit peu à peu, il nous captive et tout tient parfaitement la route. Puis vient le dernier chapitre, où le cinéaste autrichien est presque cité et où la tension omniprésente devient étouffante. Quant à la fin, elle est excellente et presque logique, amenant une morale et une réflexion peu recommandable.
Mais, en filigrane, le film n’est pas dénué de réflexion intéressante sur la condition d’être une femme noire il a quelques années comme à l’heure actuelle et sur la manière dont on voudrait être perçu. Le vernis des apparences se brise peu à peu. C’est plutôt adroit et la performance de Ashley Madekwe est en totale adéquation dans la manière dont elle joue ces problèmes psychologiques ainsi que la folie et le désespoir. Le décor de cette banlieue londonienne huppée fait miroir avec un excellent et terrifiant film d’horreur anglais méconnu et récent, également produit par Netflix : « His house » et sa banlieue délabrée. « The Strays, dans leur ombre » nous étonne et nous surprend assez pour pallier à son statut de petite série B qui manque parfois un peu d’ambition et dont le propos est présent pour se donner l’air sérieux mais qui n’est pas toujours bien développé et approfondi de manière sommaire. Cela reste dans le carcan de ce qu’une telle production peut offrir. C’est toutefois bien fait, prenant et très angoissant.
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