Qu'il est décevant ce Dans leur ombre..! Car tout lui souriait : une affaire de vie laissée, de réussite sociale, de jeu de cache-cache sur fond d'inégalité sociale en raison de la couleur de peau... Mais le film est tellement maladroit qu'on ne sait pas vraiment ce qu'il raconte et ce qu'il dénonce.
Est-on dans un thriller ? Un film d'enquête dans lequel une femme serait rattrapée par son ancienne vie ?
Est-on face à un film d'horreur dans lequel une femme, bouffée par ses remords se met à avoir des hallucinations quant à son ancienne vie - hallucinations qui détruiront sa nouvelle ?
Est-on devant un pamphlet enflammé dirigé contre cette société qui cloisonne les individus en apparence en raison de leur réussite sociale, mais en réalité en raison de leur couleur de peau ?
On ne sait pas véritablement ce qu'on regarde parce que le film est maladroitement construit. Il faut le concéder.
La narration, tout d'abord, est interne : le spectateur voit à travers les yeux de la mère. Le problème, est qu'on ne sait rien d'elle. Il est alors difficile de comprendre le but du film, tout comme il est difficile de se lier à elle, de développer une quelconque empathie pour elle.
La photographie est assez neutre, peu travaillée, et le rythme du film particulièrement lent, ce qui laisse le spectateur dans l'expectative.
Les personnages ensuite sont assez mal élaborés. Notamment les personnages retrouvant la mère. On passe littéralement son temps à se dire : est-ce qu'ils sont emplis de haine, ou tout bonnement tarés ? Les dialogues les concernant n'ont aucun sens, leurs attitudes avant la scène finale sont difficiles à expliquer... Quant à la scène finale, n'en parlons pas !
Scène finale dont il faut absolument parler tant elle déséquilibre à elle seule le film. Jusqu'à cette scène, en effet, on a un film critiquant tout bonnement le cloisonnement sociale fortement déterminé par un cloisonnement ethnique : la mère a refait sa vie dans un quartier extrêmement riche duquel toute minorité est exclue, jusqu'à ce que sa vie passée revienne. On se dit "pourquoi pas ?" C'est convenu, c'est peu adroit, mais c'est acceptable. Du moins c'est cohérent ; sous-couvert de tensions psychologiques, de peur, de vie refoulée... Mais la dernière scène bascule dans l'horreur. On entre dans la violence, l'invasion, et finalement l'absurde sans raison. On a littéralement l'impression d'assister à un remake de Us de Jordan Peele, sans toute la préparation que ce dernier avait assurée dans son film. Deux vies qui se confrontent, deux statuts sociaux, une famille noire envahissant le pavillon cossu d'une autre famille, une communication impossible... Sauf que la scène de Us est incroyable de puissance et gagne en matière et en sens à mesure que le film avance ; alors que la scène de Dans leur ombre clôt un film en lui retirant tout sens, toute substance et toute cohérence.
Heureusement ! Heureusement que la scène cachée du scooter intervient ! Car elle sauve le film en le remettant sur des rails pourtant cohérents qu'il avait quittés : les rails d'un scénario reposant sur les tensions psychologiques, le jeu de cache-cache, la double-vie de la mère.